Le violon de cristal : l'autre monde

Chapitre 155 : Une lueur d'espoir

 Tandis que l'esprit corrompu approchait l'archet des cordes de son violon, Syara tenta de l'en empêcher par tous les moyens. L'un des sorts qu'elle trouvait le plus pratique en combat avec son violon était la lame de vent et, à présent qu'elle pouvait user de ces pouvoirs sans avoir à jouer, le lancer était bien plus rapide.

Trois lames invisibles partirent de ses mains. Deux devaient couper les bras de son adversaire tandis que la dernière avait pour objectif de le décapiter. L'ombre ne chercha même pas à esquiver et se prit les trois attaques. Pendant une seconde, les parties visées se séparèrent du reste du corps, mais une masse noire et informe s'étira autant des membres sectionnés que du tronc et se rejoignirent pour recoller le tout.

L'ombre continuait de sourire et n'avait même pas relevé cette attaque, elle faisait comme si rien ne s'était passé. Au premier crissement de l'archet sur les cordes, une tornade noire et horizontale se matérialisa devant l'esprit et projeta Syara dans les airs en la faisant tourner sur elle-même.

Totalement désorientée, elle ne put rien faire pour se réceptionner convenablement et tomba lourdement au sol. La contre-attaque de son adversaire n'était cependant pas terminée. L'esprit corrompu continuait à lui vriller les tympans avec ce qui s'apparentait bien plus à de la torture auditive qu'à de la musique.

Par pur instinct, la beast encore au sol poussa sur ses bras pour se projeter sur le côté. L'instant d'après, un pic d'obsidienne sortit du sol à l'endroit où elle s'était trouvée. Si elle n'avait pas bougé, elle se serait faite empalée.

Sachant très bien que l'assaut n'était pas terminé, Syara se releva en vitesse et sauta en arrière pour éviter d'autres pics qui sortirent du sol. L'esprit corrompu ne faisait pas que se montrer à elle sous sa propre apparence, il utilisait aussi ses propres techniques dans le même ordre.

Si elle suivait cette logique, la prochaine technique allait donc être... Dans la panique, Syara se jeta à plat ventre juste à temps pour qu'une lame de vent ne fasse que siffler à ses oreilles sans lui causer le moindre dommage.

— Tu comptes m'imiter encore longtemps ? S'emporta-t-elle.

— Je fais ça pour donner un peu de piment à notre affrontement, mais si tu insistes...

Avec un nouveau crissement d'archet, l'ombre provoqua une explosion aux pieds de Syara. La douleur fut immédiate. Elle avait l'impression que sa jambe venait de s'arracher. Pourtant, après être une nouvelle fois retombée lourdement à terre, sa jambe se trouvait bel et bien là, intacte. Était-elle aussi immortelle que l'esprit corrompu dans ce monde ? Si cette question lui avait traversé l'esprit, la douleur qu'elle continuait de ressentir ne lui donnait aucune envie de tester cette théorie.

D'ailleurs, était-ce la même chose pour son adversaire ? Ressentait-il la douleur ? Avait-il vraiment eu l'impression d'être empalé par ses pics en diamant ? Avait-il expérimenté le démembrement et la décapitation en se prenant ses lames de vent ?

— Je dois bien admettre que tu as raison. C'est bien plus amusant comme ça ! S'esclaffa l'ombre avant de reprendre son assaut.

Voulant se protéger d'une nouvelle attaque, Syara s'enferma de nouveau dans un bouclier. Ce choix fut dramatique pour elle. Tout d'abord, la nouvelle explosion qui survint l'était, là encore, à ses pieds, mais sa protection avait eut pour effet de contenir la déflagration dans un espace restreint où elle se trouvait.

Ce sort avait en plus été plus puissant que le précédent. La beast avait l'impression d'être démembrée, réduite en charpie que sa peau fondait tandis qu'elle était brûlée vive. Ses hurlements atroces sonnaient comme une douce mélodie aux oreilles de l'esprit corrompu qui s'en délectait et continuait de donner de nouveaux coups d'archet pour provoquer de nouvelles explosions.

Ce n'est que lorsque le bouclier se dissipa que l'ombre cessa de jouer et attendit que la fumée se disperse. Syara était étendue au sol, face contre terre. Malgré tout ce qu'elle ressentait qui pouvait faire supplier à n'importe qui d'être achevé, son corps était dénué de toute trace de blessure. Elle était donc bel et bien immortelle, mais ressentait tout de même la douleur.

Voyant qu'elle ne bougeait pas, l'esprit corrompu s'approcha d'elle et s'accroupit juste à côté de sa tête. La prenant par le menton, il la força à tourner la tête dans sa direction et lui provoqua, par ce geste, de nouvelles douleurs atroces.

— Alors, tu abandonnes ? Laisse-moi ton corps et tout ceci sera terminé. Tu seras libérée de cette tourmente et tu pourras te reposer pour l'éternité.

— Jamais, répondit-elle dans un souffle à peine audible.

De rage, l'ombre donna un coup d'archet dans le dos de la beast et le lui lacéra. La blessure avait beau s'effacer, la douleur, elle, persistait et venait se cumuler à tout ce qu'elle avait subi jusque-là. Pourquoi demandait-il cela ? Avait-il besoin de son autorisation pour s'évader définitivement de ce monde en utilisant son corps ?

Vu qu'elle ne lui donnait toujours pas la réponse qu'elle espérait, l'ombre lui trancha la main et passa la mèche de son archet sur son bras. Ne pouvait-elle rien faire pour l'empêcher de lui faire du mal ? Si tous deux se battaient dans les mêmes conditions, lui se fichait royalement de la douleur qu'il ressentait contrairement à elle qui ne pouvait passer outre.

Dans un geste désespéré, Syara tenta, avec sa main qui avait fini par se rattacher à son bras, de ravir l'instrument de son adversaire. Elle ne put que l'effleurer du bout du doigt, mais ce simple geste eut un effet inattendu. L'esprit corrompu avait immédiatement sauté en arrière et perdu son sourire.

Ne comprenant pas pourquoi il avait réagi ainsi, la beast tenta de se relever sans le quitter des yeux et finit par remarquer quelque chose d'étrange. Le violon corrompu avait une forme similaire en tout point au violon de cristal. Ce qui les différenciait était les couleurs. Celui que tenait l'esprit corrompu était noir et les runes inscrites dessus étaient rouges. Du moins, habituellement. Là, en effleurant le violon, l'une des runes venait de passer en bleu, le bleu de la pureté.

Pour la première fois depuis qu'elle était arrivée ici, c'était à Syara de sourire et à l'esprit de se montrer méfiant. S'il n'avait pas eu cette réaction de sauter en arrière, elle ne l'aurait pas remarqué, mais à présent, elle avait un indice sur la façon dont elle pouvait le vaincre. Il lui fallait s'emparer de son violon.