Chapitre 146 : Convaincre la dragonne

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 De retour dans le monde réel, Syara vit tout d'abord ses compagnons tout autour d'elle. Phi souriait en la voyant ouvrir les yeux tandis qu'Elyazra soufflait bruyamment comme si elle avait de nouveau assisté à une scène dont elle avait fini par se lasser.

À côté de la beast, Fos se relevait déjà en acceptant la main tendue de Élane. Si elle se sentait bien, lui se frottait l'arrière du crâne. Il avait dû se faire mal en tombant, se dit-elle. Tout en se remettant sur ses pieds, la violoniste qui avait gardé son instrument en main joua quelques notes qui firent tomber sur le déchu une légère pluie d'étincelle. D'après son expression, l'effet avait été presque immédiat.

— Ils ont raison là-dedans. Tu es douée, la félicita-t-il.

— Donc... On ne le frappe plus ? Questionna la demie-dragonne avec une pointe de déception dans sa voix.

— Disons que nous avons conclu une trêve, nuança sa sœur. L'avenir nous dira si elle mènera à la paix ou à la guerre.

— Comme nous en avons convenu à l'intérieur, je te laisse réfléchir. En attendant, Élane, je pense que tu te poses de nombreuses questions. Tu mérites de savoir la vérité sur qui je suis vraiment. Allons un peu à l'écart pour en discuter.

Avec un simple hochement de tête pour toute réponse, le seul véritable ange acquiesça et suivit le déchu dans sa grotte. De leur côté, bien que Syara ait usé d'un sort de soin sur Fos, Phi n'était pas encore assez rassurée et constata d'elle-même, avec ses propres pouvoirs, que la violoniste ne s'était pas fait mal en tombant.

— Je vais bien, sourit-elle pour la rassurer.

— Ça, c'est à moi d'en décider, insista la jeune fée.

— Pendant qu'elle t'ausculte, tu peux peut-être nous en dire plus sur ce qui s'est passé ? Proposa Elirielle.

— C'est vrai que vous ne l'avez jamais vu faire la poupée de chiffon, rit Elyazra. Ah un moment elle et là et l'instant d'après, pouf ! Elle est par terre et Phi fait une crise de panique.

— C'est pas drôle ! rouspéta la soigneuse. À chaque fois j'ai peur qu'elle se cogne en tombant. Tu pourrais au moins t'asseoir quand tu comptes faire ça !

Même si, contrairement à ce qu'affirmait sa sœur, elle était presque certaine d'avoir déjà parlé du monde du violon à Elirielle, Syara prit tout de même la peine de faire un résumé succinct de ce qui lui arrivait, d'où elle allait et de qui elle rencontrait lorsqu'elle s'évanouissait. Ce préambule ne provoqua aucune réaction chez la dragonne. Soit elle lui en avait effectivement déjà parlé, soit elle cachait très bien sa surprise et ne voulait pas la noyer de questions pour qu'elle puisse aller à l'essentiel.

Après cela, Syara entra dans le vif du sujet et annonça que ce les deux esprits du violon attendaient d'elle. Si Elyazra, Orélius et Phi prenaient cette nouvelle sans trop savoir quoi en faire, cette fois-ci, Elirielle ne resta pas inexpressive et fronça les sourcils tout en croisant les bras.

— Il n'en est pas question !

— Attends, je n'ai pas fin...

— Non, non et non. Ça n'évoque peut-être rien pour vous, mais moi, j'ai vu les ravages que pouvaient faire cette cérémonie. La moindre erreur et c'est la mort !

— à ce point ? S'étonna le demi-dragon.

— neuf personnes sur dix. C'est le taux de mortalité chez ceux qui essayaient d'invoquer un instrument lorsque Fos a obtenu le violon de cristal, répondit Syara. Tu vois, je le sais très bien, mais j'ai aussi à ma disposition l'esprit d'une personne qui a vécu du temps où cette cérémonie n'était pas aussi dangereuse. Si j'accomplis la version d'origine et non la version altérée, tout se passera bien.

— Une enfant d'un peuple qui aurait régné sur l'ancien monde et aurait disparu autant physiquement que des mémoires de tous... Je suis désolée, mais je n'y crois pas !

— C'est pourtant elle qui me prête ses pouvoirs. D'ailleurs, j'ai demandé un temps de réflexion parce que je voulais vous en parler avant, mais la partie de l'âme de Fos qui réside dans le violon a soulevé un point important. Le Fos qui se faisait passer pour le déchu n'a pas touché à un violon depuis près de mille ans. Il ne saura plus en jouer. Je suis la seule à pouvoir affronter le roi des anges, mais la puissance d'un instrument lié ne suffira pas. Il me faut un instrument de l'âme.

— Et si, avec cette cérémonie miraculeuse, tu te retrouvais avec un instrument totalement différent ?

Un doute tout à fait légitime, pensa Syara, surtout qu'elle avait émis exactement la même crainte aux deux esprits et que la réponse n'avait pas été vraiment convaincante. Si elle lui disait la vérité, Elirielle se braquerait d'autant plus et refuserait catégoriquement qu'elle accomplisse la cérémonie, mais avait-elle les capacités pour mentir à une dragonne sans se faire prendre ?

— Eh ! C'est de ma petite sœur que l'on parle ! S'exclama Elyazra en lui donnant une puissante tape dans le dos. Que serait la petite louve de Sendra sans son violon de cristal ? Les deux sont parfaitement indissociables maintenant. Si elle fait cette cérémonie de je ne sais pas quoi, elle ne perdra certainement pas son violon.

— Et tu penses arriver au niveau qu'avait Fos quand je l'ai connu rien qu'avec ça ?

Si le coup n'avait pas spécialement été agréable et l'avait fait tousser, au moins, sa sœur avait eu le mérite de détourner l'attention d'Elirielle pour qu'elle oublie la question fâcheuse. La suivante n'était cependant pas si facile que ça. Comment pouvait-elle savoir une telle chose sans avoir ni essayé un instrument de l'âme, ni vu Fos en action ?

— Tant que le baron n'envoie pas ses hommes, nous avons le temps de nous préparer. Avec l'ancien détenteur du violon de cristal à mes côtés et ma partie d'âme qui sera entraînée de la même manière à l'intérieur, je suis certaine que je pourrais progresser rapidement. De toute façon, nous n'avons pas le choix. D'après Fos, le violon de cristal est notre seule option valable contre le roi et je suis la seule à pouvoir l'utiliser.

— Tu veux dire que le roi est plus puissant qu'un dragon ? S'étonna Phi.

— Toujours d'après Fos, il constitue la seule véritable menace. Si le portail s'ouvre entre les mondes, ça n'est pas de l'armée dont il faudra se méfier, mais bien de lui. Il serait capable de conquérir notre monde à lui seul.

— Je vois... réfléchit Elyazra avec un air pensif. J'ai quelque chose à vérifier, ne commence pas la cérémonie sans moi !

À ces mots, la demie-dragonne s'engouffra dans la grotte sur les traces de Fos et d'Élane. Allait-elle demander des précisions sur les pouvoirs du roi auprès des seuls capables de la renseigner ? Non, ce raisonnement était bien trop censé pour lui ressembler. Une question se mit donc à monopoliser l'esprit de la violoniste tandis qu'elle voyait sa sœur disparaître d'un pas sautillant dans l'obscurité. Qu'est-ce qu'elle allait encore inventer cette fois-ci ?

Le violon de cristal : l'autre mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant