Le violon de cristal : l'autre monde

Chapitre 46 : Réveil douloureux

 — Syara ! Syara !

Ouvrant les yeux non sans difficulté, la première chose que vit la beast fut le visage inquiet de Phi qui ne cessait de l'appeler en la secouant légèrement. En voyant qu'elle émergeait finalement, la fée s'apaisa et lui sourit.

— J'ai eu peur ! Tu ne te réveillais pas alors que tout le monde est déjà levé... Même Ely.

— Je ne dormais pas vraiment, répondit-elle. J'étais plongée dans le monde de mon violon pour comprendre quel était mon problème avec mes pouvoirs.

— Oh ! J'espère que je ne t'ai pas dérangée.

— M'en sortir un peu plus tôt aurait été problématique, mais c'est bon, ce problème est normalement réglé. Je vous expliquerai tout lorsque le moment sera un peu plus approprié. Tu peux dire aux autres que j'arrive.

Rassurée qu'elle ait fini par émerger, Phi hocha la tête et repartit dans la partie de la grotte où se trouvait tout le monde. De son côté, Syara s'étira et se rendit compte de deux choses. Premièrement, comme elle le craignait, se trouver dans le monde du violon n'était en rien équivalent au sommeil. L'impression qu'elle avait était exactement la même qu'après une nuit blanche. Deuxièmement, la position dans laquelle elle était restée pendant des heures lui avait provoqué un mal de dos absolument insupportable.

Si elle ne pouvait rien contre le manque de sommeil, la beast se dit que cette douleur physique était la bonne occasion pour vérifier si ses pouvoirs étaient revenus. Elle invoqua donc son violon et commença à jouer une mélodie à la fois douce et joyeuse.

Dès les premières notes, la violoniste sentit les pouvoirs curatifs se manifester et l'englober dans une chaleur apaisante. La crainte d'avoir perdu la main et de ne plus savoir comment faire appel au bon pouvoir lui avait traversé l'esprit un instant, mais ce test était finalement concluant. Mieux, elle avait l'impression que l'histoire contée par Fos l'avait aidé à comprendre comment fonctionnait la magie du violon et lui permettait de lancer des sorts bien plus facilement qu'avant la perte de ses pouvoirs.

— Merci Cristal, murmura-t-elle avec un léger sourire.

— Bon, tu viens ? C'est pas le moment de réviser des gammes, intervint Elyazra en pénétrant dans la partie de la grotte où Syara avait médité.

— Une seconde ! On a pas tous du sang de dragon qui coule dans nos veines. Passer la nuit dans une caverne n'est pas aussi confortable pour tout le monde.

— Qu'est-ce que tu es douillette ! Même Phi ne s'est pas plaint de ça. Quoi qu'il en soit, dépêche toi, tout le monde t'attend !

Quel exemple stupide, pensa la beast. Il suffisait à Phi de reprendre sa forme originelle pour qu'un vêtement fasse un matelas plus que confortable. D'un autre côté, elle n'avait pas tort non plus. Elyazra avait une bonne capacité d'adaptation dans la nature, Guard avait passé de nombreuses années à vivre à la dure en tant que bandit et Rael était un mage bien plus expérimenté qu'elle. Elle était donc la seule pour qui dormir ainsi relevait plus de l'exceptionnel que de la routine.

La fatigue toujours présente, mais les douleurs parties, Syara finit par rejoindre le reste du groupe. Comme sa sœur l'avait fait remarquer, tout le monde était levé et les paquetages avaient été faits.

— Syara ! S'exclama Sae en accourant jusqu'à elle pour l'étreindre. Quand j'ai su que tu ne te réveillais pas, je me suis inquiétée.

— Je n'étais pas vraiment endormie, je réglais un problème important pour être certaine de pouvoir te protéger. Désolée de t'avoir inquiétée, répondit-elle en lui caressant les plumes qui remplaçaient ses cheveux.

— La pluie s'est calmée, mais le ciel reste tout de même menaçant, annonça Rael. Je pense qu'il est préférable d'éviter de voler. Ça va aller pour vous ? Il me semble que les harpies ne peuvent pas vraiment parcourir de longues distances au sol.

— Nous y arriverons, déclara l'impératrice avec détermination.

— Et nous, nous suivrons notre impératrice quelle que soit la douleur dans nos serres. Si elle est épuisée, nous la porterons si nécessaire.

— Ne dites pas ça, se plaignit Sae. Je ne veux pas de traitement de faveur !

Pour quelqu'un d'aussi sensible que la jeune harpie, le rôle d'impératrice devait fortement peser sur elle. Voir tout le monde changer d'attitude pour en adopter une révérencieuse, même de la part de personnes aussi proches que ses sœurs devait la peiner.

— Nous ne sommes pas pressés par le temps. Si vous sentez que vous avez besoin d'une pause, nous en ferons une, décida Rael. Nous avancerons à votre rythme.

— Elles ne vont rien dire jusqu'à ce que ce soit moi qui en demande une, murmura Sae pour elle-même avec un regard attristé envers ses sœurs.

Sans doute la seule personne à l'avoir entendu, à part peut-être Elyazra qui avait une ouïe encore plus développée que la sienne, Syara ne put que confirmer ce qu'elle pensait de ce rôle d'impératrice. Laisser à la jeune harpie l'occasion de parler à cœur ouvert à une personne à la fois de confiance, mais qui n'était pas sous son contrôle semblait être une mission annexe importante de cette escorte. Ce pouvoir l'avait indéniablement isolée et la beast savait qu'isolement et pouvoirs ne faisaient pas bon ménage.

Après avoir récupéré leurs affaires, l'impératrice et son escorte sortirent de la grotte accompagnés par toutes les harpies du camp provisoire. Celles-ci les accompagnèrent jusqu'à l'orée de la forêt où elles lui souhaitèrent toutes bonne chance et bon courage.

Certaines renouvelèrent leur demande auprès du groupe de la protéger à tout prix. Pour chacun d'entre eux, il s'agissait d'une évidence, mais leur assurer qu'ils feraient tout ce qui est en leur pouvoir pour qu'elle revienne sauve parut rassurer quelque peu les plus inquiètes.

À les voir ainsi, toutes ces harpies étaient bien loin des créatures belliqueuses et agressives dépeintes dans les livres ou par les aventuriers qui s'étaient confrontés à cette espèce. Mise à part la matriarche du clan des serres noires qui, elle, correspondait effectivement à ces stéréotypes, Syara ne voyait pas en quoi elles devaient être exclues de la société des autres races.

S'imaginer que la réussite de cette mission pouvait mener à plus de paix dans l'entièreté du monde lui permit de surpasser sa fatigue et de se mettre en route comme elle l'aurait fait après une bonne nuit de sommeil.