Le violon de cristal : l'autre monde

Chapitre 91 : le plan d'action

 Le groupe au complet et les esprits apaisés, la réunion de mise au point de la mission pouvait commencer. Tout comme le cas des anges infiltrés dans leur monde, les inconnues étaient nombreuses. Un espion se trouvait chez les anges. Qui était-il ? Aucune idée. Où était-il ? C'était un mystère qu'ils allaient devoir résoudre une fois sur place en recoupant les informations pour déterminer ou lui avait découvert ce qui était inscrit dans son rapport.

Leur lieu d'apparition était aussi sujet à de nombreuses interrogations. Les aigles dimensionnels pouvaient aller et venir dans les mondes à leur gré en apparaissant où ils le souhaitaient. Pour les dragons, le portail qu'ils pouvaient créer n'avait comme particularité que de les faire apparaître sur la terre ferme avec le ciel au-dessus de leur tête. Il n'y avait donc aucune chance qu'ils se retrouvent en plein milieu d'un océan ou dans une grotte à plusieurs centaines de mètres sous terre, mais ils pouvaient tout autant arriver sur une plage, une petite corniche au sommet d'une montagne ou en pleine ville ennemie.

Vu qu'ils ne pouvaient rien faire pour ça, le sujet fut vite balayé pour passer à la suite. Avec les têtes brûlées présentes dans cette équipe, l'improvisation était de toute façon souvent la solution trouvée pour clore un sujet.

La partie infiltration était cependant plus construite. Grâce au savoir d'Elirielle, les traits spéciaux tels que ceux de la beast pouvaient être gommés et ceux angélique pouvaient être ajoutés. Pour la disparition, une illusion similaire à celle qu'utilisait Phi pour ses ailes pouvait être utilisée, mais l'ajout de membres tels que des ailes était bien plus complexe. La dragonne promit qu'elles seraient tangibles, mais inutilisables pour voler.

Pour ce trait en particulier, Syara se rappela d'une chose qui pouvait avoir son importance. Le but de sa mère, en récupérant le corps de l'une de ses filles était à la fois une occasion de leur voler leurs pouvoirs, mais aussi récupérer ses ailes qu'elle avait coupé pour se faire passer pour une humaine. Si Elyazra et elle n'étaient pas nées avec des ailes, ce pouvait être parce qu'elles ne poussaient qu'à un certain moment de la vie. Peut-être ne fallait-il pas se présenter là-bas avec des ailes si elles n'étaient pas censées en avoir à leur âge.

Là encore, le peu d'information posa problème. Quel que soit le dragon qu'ils pouvaient interroger, leurs seules connaissances des anges venaient de leurs affrontements avec Anela. Shassiam devait bien avoir quelques informations en plus vu qu'il était l'interlocuteur privilégié de l'espion, mais il y avait peu de chances qu'il ait de telles informations qui pouvaient paraître futiles à première vue.

Syara eut alors l'idée de questionner Cristal. Après tout, en tant que membre de la famille royale des elfes, elle avait peut-être côtoyé ces êtres qui, à son époque, voyageaient aisément d'un monde à l'autre et étaient proches de son peuple.

La violoniste n'eut cependant même pas l'occasion d'essayer d'entrer dans la dimension de son violon que Fos lui annonça qu'elle ne lui apprendrait rien à ce sujet, n'ayant vu dans sa vie qu'une seule délégation d'anges, tous adultes. Dans le doute, il fut décidé que tout le monde serait pourvu de fausses ailes.

Enfin, la dernière inconnue qui était sans doute l'une des plus gênantes pour une infiltration était la barrière de la langue. Si, dans ce monde, toutes les langues avaient finies par se mélanger pour n'en former qu'une au point où trouver une personne qui parlait l'ancien nain, l'ancien démonique ou l'une des très nombreuses langues humaines relevait de l'exploit, rien ne disait qu'ils parlaient la même langue qu'eux.

Il existait bien un sort pour se faire comprendre et comprendre les autres. Après tout, c'est ce qu'avait fait Fos en rencontrant les ancêtres de Phi. Son sort devait même être adaptatif vu qu'ils parlaient la langue actuelle et non celle d'il y a mille ans.

Même avec cette solution, quelques problèmes subsistaient tout de même. Premièrement, Fos était d'un tout autre niveau que Syara. Elle ne savait donc pas si elle allait pouvoir le réussir. Deuxièmement, la zone d'effet. Fos s'était aidé d'un cristal gigantesque dans lequel avait plus tard été taillé le coffre de cristal d'où tous les mages tiraient leurs instruments, tout ça pour recouvrir une forêt entière de ce sort. Si elle avait à le faire, se devrait être soit à une échelle mondiale, soit le répéter plusieurs fois et risquer d'attirer l'attention.

Pour ce second point, Orélius trouva un début de piste. Le demi-dragon proposa, plutôt que de faire une zone fixe, d'enchanter un objet qu'ils porteraient. Ainsi, l'enchantement se déplacerait avec eux et ne les quitterait jamais. Restait donc à savoir si le premier porteur humain du violon de cristal allait accepter de lui enseigner ce sort. En cela, Syara ne se faisait pas trop de soucis. Après tout, il était celui qui avait insisté pour qu'elle se lance dans ce nouveau périple. Cela méritait bien un petit coup de pouce de sa part.

— Bon, avec ça, je pense que nous avons tout ce qu'il nous faut pour partir, annonça Orélius.

— Tu plaisantes ! S'exclama Elyazra. Toi tu es peut-être arrivé là par la voie facile, mais nous, on a crapahuté pendant deux semaines comme des bouquetins dopés à la magie pour arriver à temps ! On n'en peut plus, alors tu es gentil et tu vas nous laisser nous reposer !

— Mais je ne disais pas ça pour...

— Il faut aussi qu'on se ravitaille pour avoir à manger et à boire, réfléchit Phi.

— Bien parlé ! Lança la demie-dragonne qui ne devait pas avoir la même définition de boire que la fée.

— Attendez, je...

— Quant à moi, en plus de repos, il faut que j'arrive à convaincre un esprit borné de m'apprendre un sort que je ne vais peut-être pas maîtriser en un jour, ajouta Syara.

— Le plan d'action ! Cria Orélius. Je disais que côté plan d'action nous en avions terminé. Je ne disais pas qu'on devait partir maintenant ! C'était déjà difficile d'en placer une avec Ely, mais avec vous deux ça...

— Finis ta phrase et tu passes par la fenêtre, prévint la violoniste.

— Ah mais même sans finir sa phrase, avec ce qu'il vient de dire, il va passer par la fenêtre, enchérit Elyazra.

Si Shay aurait mis fin à cette dispute en s'imposant comme la voix de la raison, la nouvelle dragonne du groupe semblait ne pas avoir le même caractère. À la place, celle-ci riait doucement et attendait de voir la suite des événements. Orélius ne dut éviter son vol plané qu'à Phi qui réussit à apaiser les deux sœurs. Au final, elles riaient comme si rien ne s'était passé, ce qui présageait pour le demi-dragon une mission pour le moins compliquée non pas à cause de ce qu'ils devaient accomplir, mais bien à cause des partenaires qui allaient être les siennes dans ce périple.