Chapitre 109 : Le passage vers l'autre monde

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 Les derniers préparatifs achevés, L'heure du départ était enfin arrivée. Face à eux, Shassiam leur rappelait une dernière fois les objectifs de cette mission aussi capitale que risquée. Ils devaient, dans un premier temps, retrouver l'espion qui avait transmis le message qui avait tout déclenché et, ensuite, empêcher la guerre d'éclater entre les deux mondes. La discrétion était évidemment de mise et le dragon rouge ne put cacher son inquiétude vis à vis d'une personne en particulier qui avait une fâcheuse tendance à se faire remarquer.

Cette personne était cependant bien entourée et pouvait être canalisée, d'où le fait qu'il n'insista pas sur ce point. Face à cette inquiétude, Elyazra affirma qu'elle garderait un œil sur Orélius pour qu'il ne cause pas de problème. Était-ce un déni total de la réalité ou bien une simple blague ? Avait-elle compris que son cousin était loin d'être l'élément perturbateur en question ? Afin d'éviter une énième dispute avant le départ, Syara ne dit rien sur cela et attendit que le dragon en ait terminé avec l'ordre de mission.

Ce moment ne tarda pas à arriver. Shassiam leur tourna alors le dos et, les bras ouverts et levés vers le ciel, commença à emmagasiner une énergie folle. Une spirale rouge se mit alors à tourbillonner devant lui. D'abord de la taille d'une pièce, elle grandit peu à peu tout en accélérant sa rotation jusqu'à atteindre la taille d'un homme.

Il se dégageait de ce passage en devenir un vent particulièrement violent qui poussait tout le monde, à l'exception des dragons qui restaient parfaitement imperturbables, à lutter pour ne pas se faire repousser. Leurs fausses ailes avaient beau ne pas être fonctionnelles pour voler, même repliées dans leur dos, elles offraient une prise au vent supplémentaire qui donnait l'impression que quelqu'un les tirait en arrière.

Voyant que Phi luttait difficilement, Syara se positionna devant elle pour faire barrage. Après tout, même si elle était habituée à voler, comme l'avait dit Elirielle, ses ailes de fée étaient bien différentes des ailes d'ange. Pour elle, avoir de telles choses dans le dos devait être tout aussi perturbant que pour les autres. Couplé à sa légèreté, il n'y avait rien d'étonnant à ce qu'elle peine à résister aux puissantes bourrasques qui se dégageaient du portail.

Finalement, après plusieurs minutes de lutte, le vent se calma peu à peu jusqu'à totalement disparaître. Le tourbillon avait ralenti jusqu'à s'immobiliser et ses bords, en dents de scie, s'étaient aplanis pour donner au portail une forme parfaitement circulaire. Mise à part la couleur et l'absence de bords physiques, ce passage ressemblait à tous ceux que l'on pouvait trouver sur une place de téléportation de n'importe quelle ville assez grande pour en avoir une.

— Voilà, il ne me reste plus qu'à vous souhaiter bonne chance, annonça Shassiam en se décalant sur le côté pour leur laisser la place.

— C'est parti ! Allons casser de l'emplumé ! S'exclama joyeusement Elyazra.

— Allons nous infiltrer chez eux et passer inaperçu, rectifia la dragonne.

— Moui, c'est pareil... De toute façon, personne n'est dupe et tout le monde sait comment ça va se finir.

Sans aucune crainte n'y appréhension, la demie-dragonne n'attendit pas une réponse à son commentaire et sauta dans le portail. Plutôt qu'un sort de traduction, Syara se dit qu'il aurait peut-être été préférable, en ce qui concernait le collier de sa sœur, de l'enchanter avec un sort de mutisme.

Après un échange de regard entre les dragons, l'un disant silencieusement bon courage à l'autre qui devait lui répondre qu'elle en aurait bien besoin, le reste du groupe d'expédition franchit le passage vers l'autre monde. L'intérieur, cette fois-ci, était bien différent de ceux que la violoniste avait l'habitude de prendre.

Ici, il n'y avait pas de vent puissant qui la poussait vers sa destination. Une brume opaque d'une couleur sanguine l'entourait totalement. Sur les côtés, la visibilité était aussi nulle que si elle essayait de regarder au travers d'un mur et, devant elle, seule une petite dizaine de mètres étaient visibles.

Autre différence avec les portails habituels, ici, Syara voyait les autres personnes qui l'avaient emprunté. Elirielle s'empressa de rattraper Elyazra avant qu'elle ne disparaisse et plaça une main sur son épaule pour la retenir. La demie-dragonne voulut lui répondre quelque chose, mais aucun son ne sortit de sa bouche. À son tour, la beast tenta de parler, mais seul un silence aussi pesant qu'inquiétant parvint à ses oreilles. Elle était en train d'expérimenter le cauchemar du musicien. La surdité totale.

Si tout le monde était inquiet ou, au mieux, surpris, la dragonne ne sembla pas s'en inquiéter et attira l'attention de tout le monde pour communiquer avec des gestes. Savait-elle ce qui se passait ou improvisait-elle ? Dans le premier cas, elle aurait au moins pu parler de ce qui les attendait une fois à l'intérieur avant qu'ils n'y pénètrent !

Dessinant d'abord un cercle avec son index pointé vers le ciel, son regard se baladant sur tout le monde, Elirielle forma un autre cercle en joignant ses mains. Par ce geste, elle voulait sans doute dire qu'ils devaient rester groupé. Elle désigna ensuite la brume épaisse à côté d'eux, puis mit ses bras en croix tout en hochant négativement de la tête et désigna enfin le passage moins brumeux où une lumière se distinguait au loin. Il ne fallait donc pas s'éloigner du chemin et suivre la lumière, là où la brume était moins dense.

En dernière consigne, elle montra sa main, son épaule et enfin chaque personne. Cette fois-ci, personne ne sembla la comprendre. Roulant des yeux, elle alla donc placer chaque personne les unes derrière les autres et leur fit poser une main sur l'épaule de la personne qui la précédait.

Évidemment ! Sans le son, si la personne de derrière se perdait, ils ne s'en rendraient pas compte à moins qu'il y ait un contact physique entre eux. Elle décida aussi du placement de chacun. Phi ouvrait la marche, suivie de Syara. Venait ensuite l'élément perturbateur placé au milieu du groupe pour réduire les chances d'une catastrophe, son cousin derrière pour continuer à la surveiller et enfin Elirielle qui fermait la marche et s'assurait que tout le monde respectait bien ses consignes. Grâce à cette position, elle pourrait aisément remonter la file sans la briser si elle avait quelque chose à leur communiquer.

Cette dernière préparation terminée, il ne restait plus qu'à se mettre en route, sourds et presque aveugles, vers le monde des anges.

Le violon de cristal : l'autre mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant