Chapitre 162 : Le nouvel esprit

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 Prise d'une vive douleur à l'arrière du crâne, Syara grimaça tout en ouvrant péniblement les yeux. Penché au dessus d'elle, Fos la regardait tout en lui offrant sa main pour l'aider à se relever. Si la beast apprécia ce geste, elle ne put que le remercier d'autant plus quand il la soutint pour éviter qu'elle ne retombe. Sa tête tournait, elle avait des vertiges et la nausée. S'il n'avait pas été là, elle ne serait jamais restée sur ses pieds.

— Mais qu'est-ce qui m'est arrivé ?

— Tu as eu ta toute première expérience avec un instrument de l'âme. Tu t'es projetée toi-même contre une paroi rocheuse, tu t'es cogné la tête et tu t'es évanouie.

— Pas très glorieux...

Alors qu'elle reprenait peu à peu ses esprits, Syara se rendit compte qu'elle ne se trouvait pas sur l'île du déchu, mais dans un lieu entièrement bleu et vide. Il ne s'agissait pas du Fos de l'extérieur, mais bien de celui qui l'avait guidée depuis qu'elle avait récupéré le violon dans le coffre de cristal.

— Pourquoi je suis ici ?

— Tu ne cours aucun danger, Phi t'as déjà stabilisée, tu ne risques plus rien. Par contre, vu que tu vas rester inconsciente pendant un long moment, je me suis dit que ça ne coûtait rien de te faire venir ici. Surtout que nous avons beaucoup de choses à nous dire.

— Tu crois que je suis l'ombre ?

— C'est un peu plus compliqué que ça... Suis-moi.

Sans en dire plus, Fos tendit sa main devant lui et ouvrit un portail que Syara traversa sans hésiter. De l'autre côté se trouvait une maison au bord d'un lac de montagne, l'un des décors enchanteurs préférés de Cristal. La jeune elfe était d'ailleurs non loin et se précipita vers elle, une inquiétude certaine se lisant sur son visage.

— Tout va bien ? Tu as reçu un sacré coup derrière la tête !

— Ça pourrait aller mieux, mais je n'ai plus la vue que se dédouble, c'est déjà ça, répondit la beast.

— Viens t'asseoir et n'hésite pas à me le dire si tu as besoin de quoi que ce soit !

Guidée par Cristal, Syara alla s'asseoir à la table sur la terrasse de bois attenante à la maison. Là, malgré la présence des deux esprits auprès d'elle, la beast entendit la porte s'ouvrir et se retourna pour voir de qui il s'agissait.

Sa réaction fut immédiate et instinctive. Dès qu'elle vit une personne lui ressemblant en tout point, mais pourvue d'iris rouges, elle se releva de sa chaise et se mit en garde, prête à se défendre. Celle qu'elle pensait être l'ombre la toisa du regard un instant, claqua sa langue contre son palais pour montrer son agacement, puis retourna à l'intérieur de la maison en fermant violemment la porte.

— Qu'est-ce que l'ombre fait là ?!

— Je te l'ai dit, c'est un peu compliqué. Assieds-toi, je vais t'expliquer.

Le coup de stress qu'avait provoqué cette apparition dans ce lieu qui était pourtant un sanctuaire avait au moins eu le mérite de lui faire passer tous les symptômes liés à son coup derrière la tête. Syara se rassit donc et attendit avec impatience les explications de Fos.

— Je suis toute ouïe.

— Hier soir, quand tu as expliqué à Elirielle que tu avais affronté l'ombre pendant ta cérémonie, ça m'a donné un indice sur l'endroit où pouvait se trouver la partie de ton âme que tu as cédée au violon. Je suis donc allé voir dans les territoires contrôlés par elle et j'ai fini par la trouver.

— Trouver qui ? La partie de mon âme ou l'ombre ?

— Les deux... Dans une seule et même entité.

— Attends, attends... Quoi ?!

— Tu as dit toi-même que tu la purifiais pendant qu'elle te corrompait et que tu n'avais gardé aucun souvenir de la fin de votre affrontement. Voilà le résultat. Dans cette boucle infinie de corruption et de purification, une nouvelle entité a été créée. Les yeux rouges t'ont fait penser qu'il s'agissait de l'ombre, mais le blanc de ses yeux était bel et bien blanc et non noir comme avant.

— Et c'est une bonne ou une mauvaise chose ?

— Disons que c'est soit une version assagie de l'ombre, soit une version exécrable de toi, alors c'est difficile à dire. Si on considère que c'est l'ombre, elle ne peut plus sortir, donc elle s'est fait une raison. Il n'y a plus de guerre de territoire et elle ne veut plus s'en prendre à Cristal. Nous avons pu faire la paix et elle s'est installée ici.

— Et si on considère que c'est moi ?

— Eh bien... c'est toi avec un caractère de merde...

— Quelle différence avec la moi normale ?

— Au moins tu le reconnais, souffla Fos. Pour nous, ça ne change pas grand-chose, par contre, elle t'en veut beaucoup pour avoir contrecarré ses plans. À cause de ça, il est possible qu'elle ne veuille pas collaborer. Si on extrapole, il est même possible que ce soit elle qui t'ai assommé. En tout cas, elle semblait ravie quand tu t'es fait projeter.

Super ! Elle avait failli mourir pour pouvoir gagner en puissance et avoir une chance de vaincre le roi des anges et résultat, elle se retrouvait avec un esprit en plus qui lui faisait la gueule et qui allait rendre ses pouvoirs inutilisables ! Qu'avait-elle fait pour mériter un tel acharnement du sort ?

— Peut-être que si tu vas lui parler, ça ira mieux, supposa Cristal. Il y a assez de toi en elle pour que la première chose qu'elle ait faite en me voyant était de s'excuser du mal qu'elle m'avait fait. En vérité, à part les yeux qui ne sont pas de la même couleur, je n'ai presque pas vu la différence entre vous deux.

— Moi par contre, elle m'envoie chier dès que je lui parle, nuança Fos. Mais d'un autre côté, si Cristal était une victime de notre guerre, moi j'en étais un acteur principal. Son ennemi juré. C'est normal qu'elle ne me porte pas dans son cœur et c'est déjà bien qu'elle arrive à me tolérer.

— Donc tu m'as fait venir pour que je répare les choses entre elle et moi ?

— Je t'ai d'abord fait venir pour t'expliquer la situation, te rassurer sur le fait que tu n'étais pas l'ombre. Ensuite, effectivement, il va falloir que tu la convaincs de travailler avec toi. Ce nouvel esprit né d'un fragment de ton âme et de l'ombre est incroyablement puissant. Tant qu'elle te refusera son pouvoir, le violon sera totalement inutilisable pour toi et nous ne pourrons rien y faire.

— Donc il faut que je fasse changer d'avis une personne qui est aussi butée que moi et qui a en plus une dent contre moi... Eh bah, on n'est pas dans la merde !

Le violon de cristal : l'autre mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant