Chapitre 87 : L'aveu d'une meurtrière

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 Après plusieurs heures passées à l'extérieur à réfléchir à la suite des événements, Syara finit par rentrer en se disant qu'elle avait retrouvé son calme et qu'elle n'avait plus envie de gifler Ely et Orélius si elle les apercevait. Vu qu'elle était furieuse lorsqu'elle avait quitté la pièce où ils se trouvaient, la violoniste n'avait pas fait attention au chemin qu'elle avait emprunté et mit un certain temps avant de la retrouver.

Tomber sur des placards à balais, des chambres ou même une grande bibliothèque l'avait faite enrager, mais elle retrouva de nouveau son calme lorsqu'elle vit le fils de Shay à sa septième tentative. Celui-ci était bel et bien dans la pièce qui leur avait été attribuée, le chandelier qu'avait lancé Elyazra plus tôt et qui avait atterri près de la porte en attestait vu qu'il n'avait pas bougé de là.

À part le demi-dragon, personne ne se trouvait dans la salle. Il n'y avait aucune trace ni de sa sœur, ni de sa protégée. Vu le temps pendant lequel elle avait été absente, cela ne l'étonnait que peu, surtout que l'une des deux n'arrivait pas à tenir en place, mais elle était tout de même curieuse de savoir où elles étaient allées.

— Dois-je être sur mes gardes et me préparer à me faire plaquer contre un mur ? Questionna Orélius avec une pointe de rire.

— Pour l'instant tu peux te relâcher, mais ne prends pas ça pour acquis.

— Comment pourrais-je me relâcher si je ne dois pas le prendre pour acquis ? C'est une logique à la Ely ça !

Si critiquer sa logique aurait pu l'énerver, la beast préféra plutôt en rire pour partir sur de meilleures bases. Après tout, avant qu'il n'embarque sa sœur et donc elle par extension dans toute cette histoire, le demi-dragon lui avait fait une plutôt bonne impression.

— Où sont les autres ? Questionna-t-elle plutôt.

— Phi est partie explorer la forteresse et Ely est partie à la recherche d'une salle de bain. D'après ses dires, elle en avait assez de sentir le rat crevé.

— C'est vrai que ce périple en montagne n'a laissé que peu de place à l'hygiène, déplora Syara. Elle et moi avons le nez sensible, alors je n'ose même pas inspirer trop fort de peur de tourner de l'œil à cause de ma propre odeur.

— Pour toi, je ne sais pas, mais qu'Ely se souci de ça est quelque chose de nouveau pour moi. Sentir bon était le dernier de ses soucis. Elle disait même qu'être trop propre faisait fuir les proies. À bien y réfléchir, lorsque mon père l'a ramenée chez nous, elle avait tout de la petite princesse. Le fait qu'elle prenne soin d'elle est en quelque sorte un retour aux sources.

— Ely ? Une princesse ? S'esclaffa la violoniste en allant s'installer sur la chaise en face du demi-dragon. Tu me donnes envie d'en savoir plus sur cette période de sa vie.

— Je n'en dirais pas plus sans son autorisation. Je tiens à la vie.

Si la discussion avait bien démarré, Syara perdit immédiatement son sourire. Plusieurs mots clés avaient été prononcés pour qu'elle ne se sente plus l'envie de rire avec la personne qu'elle avait en face d'elle.

— En parlant de passé... et de vie... à propos de Shay, hésita-t-elle.

— Mon père est mort, je le sais. C'est pour ça que je me retrouve ici à sa place.

— Mais tu ne sais peut-être pas dans quelle circonstance il est mort. C'est en grande partie de ma faute. Ely le considérait comme un deuxième père et j'ai moi-même eu l'occasion de voyager avec lui, alors je sais quelle personne formidable il était. Je... je suis désolée.

— De ta faute ? Ça n'est pourtant pas ce qu'il m'a dit, réfléchit Orélius avec un air pensif sans montrer la moindre réaction négative envers elle.

Comment était-ce possible ? Ses paroles donnaient l'impression qu'il lui avait parlé sur son lit de mort, mais Elyazra lui avait affirmé qu'il avait disparu à la suite de son affrontement contre l'ombre du violon !

— Shay t'a... Parlé avant de mourir ? S'étonna-t-elle.

— J'ai été surpris de le voir aussi. Il est apparu de nulle part alors que j'aidais à la reconstruction de Sendra. Les autres autour de moi ne le voyaient pas et ne l'entendaient pas non plus. Autant te dire que je suis passé pour un véritable fou ce jour-là. Il m'a dit qu'il n'avait plus beaucoup de temps et qu'il avait péri en se battant contre un vieil ennemi pour protéger Ely et ses amis.

— Il ne t'a donc pas tout dit, déduisit Syara. L'ennemi en question est un être qui vit dans mon violon et qui peut prendre possession de moi quand je perds mes moyens. Certaines circonstances ont fait que je me suis retrouvée emplie d'une tristesse et d'une colère incommensurable. J'ai perdu le contrôle et c'est donc pour réparer mon erreur qu'il s'est sacrifié, lui et son frère Shavi. Je... je suis désolée...

— Ne t'en fais pas. Il n'y avait aucun regret dans sa voix. Il semblait surtout soulagé d'avoir arrêté cet ennemi. S'il t'en avait tenu rigueur, il me l'aurait dit. Et puis, malgré ce qui s'est passé, Ely est toujours avec toi. C'est un signe de plus qui montre que tu n'es pas fautive.

— Et pourtant, je lui ai fait deux fois plus de mal vu que j'ai tué ses deux figures paternelles...

— Et comme je dis, malgré ça, elle est toujours à tes côtés. Ça prouve bien que tu n'es pas responsable. Je la trouve aussi plus apaisée et plus calme. Te rencontrer et voir d'autres personnes que moi et mon père lui ont vraiment fait du bien.

— Apaisée ? Je ne sais pas si j'utiliserai bien ce terme-là, s'esclaffa la beast.

— Ça, c'est parce que tu ne l'as pas connue pendant son adolescence. J'ai dit qu'elle était comme une petite princesse quand elle est venue s'installer avec moi et mon père, mais elle n'a pas tardé à se transformer en une sauvage qui tenait parfois plus de la bête que de la personne consciente et intelligente.

Si Elyazra avait déjà évoqué ce passage de sa vie, elle était toujours restée dans le flou. D'un côté Syara trépignait à l'idée d'en savoir plus à ce sujet, mais d'un autre, si la principale concernée apprenait que son cousin avait tout déballé, plus personne ne serait en sécurité dans cette forteresse. Malgré sa curiosité, la beast préféra donc jouer la sécurité et continua à faire connaissance avec Orélius sans évoquer sa sœur.

Le violon de cristal : l'autre mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant