Chapitre 143 : Un allié énervant

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 — Tu es un humain ou un ange ? Demanda d'emblée Syara.

— Je suis humain, répondit-il immédiatement.

— Quoi ? Mais alors, cette histoire de conseiller du roi qui aurait tranché ses ailes ? Tout ça serait faux ?

— S'il te plaît Élane, je sens que ça va être un moment un peu compliqué, alors peut-on parler de ça ensuite ?

Était-ce par pur sadisme ou bien parce qu'il s'agissait de Fos en particulier ? Quoi qu'il en soit, Syara sentait une pointe de satisfaction monter en elle à l'idée de le voir ainsi en difficulté. Elle n'arrivait d'ailleurs pas à se décider si cet embarras était au même niveau que ce qu'elle avait ressenti en lui collant son poing sur le visage ou si rien ne pouvait surpasser ce sentiment.

— Et donc, en tant qu'humain, n'es-tu pas censé être mort il y a mille ans ? Questionna Elirielle.

— J'ai utilisé mon violon pour atteindre l'immortalité. Et avant que vous ne vous en offusquiez, comme quoi ça n'est pas normal, je l'ai fait uniquement pour pouvoir accomplir ma mission et surveiller les anges de ce côté pour prévenir d'une éventuelle attaque ! Maintenant à moi de poser une question. Pourquoi quand je demande des renforts au Kiel'Félas, je me retrouve avec... vous ?

— Il veut une tarte sur l'autre joue pour équilibrer ? S'emporta Elyazra.

— Je ne vous critique pas, je souligne juste que je m'attendais à plus ! Se défendit-il.

— Tu devrais juger sur la qualité plutôt que sur la quantité. Après tout, tu as devant toi, celles qui ont vaincu ton plus redoutable ennemi ! Affirma la demie-dragonne en adoptant une posture fière.

— Vous parlez d'Anela ? Certes, elle était une stratège redoutable et une manipulatrice hors pair, mais elle restait très faible. Si ni les dragons ni moi n'avons réussi à en venir à bout, c'est parce qu'elle s'arrangeait toujours pour être inatteignable ou avoir une porte de sortie pour s'enfuir. Comment avez-vous fait pour vous approcher d'elle ?

Cette fois-ci, la demie-dragonne ne montra pas autant d'assurance. Annoncer qu'elles avaient vaincu son adversaire de toujours était une chose, avouer que tout ceci avait été rendu possible parce qu'elles avaient été enlevées par ce même ennemi en était une autre. Voyant que sa sœur n'allait pas répondre, Syara se dévoua donc et soupira longuement en se disant qu'elle détestait parler de ce sujet.

— Ely et moi sommes ses filles. Elle nous a mis au monde dans l'espoir de prendre possession de l'une de nous et retrouver ses ailes, mais nos pères ont fait en sorte de nous mettre en sécurité. Ça n'est donc pas nous qui sommes partis à sa rencontre, c'est elle qui nous a fait venir à elle.

— Et qu'est-ce qui me prouve que son plan n'a pas fonctionné et qu'aucune de vous deux n'est en réalité Anela ?

— Ely est la fille de Shavi. Le sang de dragon qui coule dans ses veines l'a protégée. Quant à moi, ce qui m'a évité de lui laisser mon corps, c'est ça.

Invoquant son instrument dans ses mains, Syara le montra à Fos. Une lueur s'attarda alors dans son regard, comme si elle venait de lui annoncer la toute première bonne nouvelle depuis leur arrivée et que cela pardonnait les coups qu'il s'était pris.

— Parfait, tu as ramené mon violon. Donne-le moi et je pourrais... commença-t-il en s'approchant d'elle, main en avant vers l'instrument.

— Il n'en est pas question ! Prévint-elle immédiatement tout en révoquant le violon de cristal. Ce violon m'appartient.

— Quoi ? Et puis quoi encore ?! Tu as eu ce violon dans un coffre qui semble être fait de la même matière, n'est-ce pas ?

— Le coffre où tu y avais caché une partie des partitions d'Athéa. Oui, et alors ?

— Et alors il ne t'appartient pas. Ce violon t'a été prêté seulement, ça n'est pas le tien. Le rôle de celui à qui il est confié est de me suppléer dans notre monde et de me le rapporter lorsque le moment serait venu. Le moment est venu, rends-moi mon violon !

— Dis petite sœur, on a vraiment besoin de ce connard ? Demanda Elyazra en lui jetant un regard noir. Je ne sais pas si c'est son comportement ou mes gènes hérités de notre côté maternel, mais j'ai une furieuse envie de l'étriper.

— Ça ne vient pas des gènes, leur indiqua Orélius. Je ressens la même chose.

— Une équipe réduite et dissidente, une suppléante qui refuse de me remettre mon violon et bien sûr je passe pour le méchant dans cette histoire... Quelle journée de merde. Ça va être quoi la suite ? Après avoir découvert la vérité sur moi, Élane vas aller prévenir son père qui va s'empresser de se joindre au reste de l'armée ? Et la fée va venir m'annoncer qu'elle veut récupérer le bout de cristal que j'avais récupéré chez son peuple ? Allez-y, lâchez-vous, c'est le moment !

— Dis, tu n'en ferais pas un peu trop ? Souffla Elirielle. Arrête un peu de faire ta pleureuse, tu es en train de te mettre à dos les deux seules personnes qui avaient une opinion encore neutre de toi.

— Faire ma pleureuse ? Excuse-moi de m'inquiéter de voir une mission où j'ai passé mille ans à alterner entre le rôle d'ermite et celui de sentinelle être menacé parce que personne dans l'autre monde n'a pris la menace au sérieux et qu'une sale gamine crois pouvoir utiliser les pleins potentiels d'un instrument qui la dépasse de loin ! Excuse-moi d'en avoir quelque chose à foutre de l'avenir de deux mondes !

La rage se lisait sur son visage tandis qu'il haletait après avoir explosé de la sorte sans prendre le temps de respirer une seule fois. Il y avait là bien plus que de la frustration de ne pas obtenir ce qu'il voulait. Syara le sentait. En dehors de la situation qu'ils venaient de créer, il avait surtout besoin de vider son sac. De faire sortir tout ce qui lui était passé par la tête pendant toutes ces années où il avait dû se cacher ou jouer un rôle.

— Fais-lui toucher le violon.

Cette voix, c'était celle de Fos. Pas celui qui se trouvait en face d'elle, mais bien celui qui se trouvait dans son violon. La beast restait malgré tout réticente. Et si tout ceci n'était finalement qu'un plan pour lui voler son instrument ? Qu'arriverait-il s'il le touchait ?

— Je comprends que tu doutes de nous à cet instant, mais nous voulons simplement lui parler et, pour ça, nous avons besoin qu'il touche le violon, ajouta Cristal.

Après un moment d'hésitation, Syara invoqua de nouveau son instrument et le tendit à Fos qui se calma immédiatement. Elle le tenait de telle manière à ce qu'il ne puisse pas lui arracher des mains, mais il ne semblait de toute façon pas vouloir recourir à la force pour l'obtenir.

— Tu as enfin entendu raison ?

— Syara, tu es sûre ?

— Touche-le, ordonna-t-elle. Nous verrons ce qui se passera ensuite.

Arquant un sourcil d'étonnement, l'ancien détenteur du violon de cristal finit par tendre sa main au dessus de l'instrument et l'effleura du bout des doigts en une douce caresse. Ce geste n'avait duré qu'un instant, mais avait suffit pour que Syara se sente sortir de son corps pour rejoindre le monde du violon.

Le violon de cristal : l'autre mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant