Le violon de cristal : l'autre monde

Chapitre 172 : Une défaite difficile à accepter

 Après avoir passé un long moment dans les bras de sa sœur à être consolée de cet échec, Syara retrouva la force de retourner à la surface. À l'extérieur de la grotte, la beast retrouva Élane, assis sur un rocher entre Phi et Orélius. La perte de son père était une tragédie pour lui qui pleurait tout en gardant la tête dans ses mains.

En face de cette personne à qui elle n'avait pas pu tenir sa promesse, Syara ne put que bafouiller quelques excuses avant de s'enfuir dans les bois. Cette fois-ci, sa sœur ne la suivit pas, pensant sans doute qu'elle avait besoin d'être seule à présent.

Ses pas finirent par la mener jusqu'au bord de l'île céleste. Ce fait la surprit grandement et la sortit de ses pensées. Elle n'avait pourtant pas l'impression d'avoir marché aussi longtemps. L'endroit paraissait parfait pour se poser et remettre de l'ordre autant dans ses idées que dans ses émotions. Elle s'installa donc au bord du précipice, les pieds qui pendaient dans le vide, et se mit à inspirer profondément.

— Je sais que tu veux être seule, mais nous avons à parler. Il vaudrait mieux que tu t'éloignes du bord, annonça une voix plus que familière dans sa tête.

Pour qu'il s'annonce ainsi et prendre des pincettes au lieu de la forcer à entrer dans le monde du violon, il devait réellement s'inquiéter pour elle. Ou bien était-ce sa position qui l'avait incité à parler. Sans doute voulait-il éviter qu'elle tombe inconsciente en avant et fasse une chute mortelle de plusieurs milliers de mètres.

Que ce soit pour l'une des raisons ou l'autre, elle était tout de même satisfaite d'avoir été prévenue et s'éloigna du bord de l'île pour s'asseoir contre le tronc d'un arbre. Il valait mieux pour Fos qu'il ait quelque chose d'intéressant à lui dire et qu'il ne la convoquait pas uniquement pour la consoler ou lui reprocher quoi que ce soit, pensa-t-elle en fermant les yeux.

La sensation de sa conscience qui s'échappait de son corps pour rejoindre l'instrument était devenue quelque chose de banal pour elle, si bien qu'elle sut immédiatement quand elle était arrivée. Pas de monde bleu cette fois-ci, elle avait directement été transportée dans l'endroit paradisiaque qu'ils s'étaient aménagé. Fos l'attendait, de même que Cristal, mais il n'y avait aucune trace de son alter-ego.

— Comment tu te sens ? S'enquit l'ancien détenteur du violon.

— Mal. Comment veux-tu que je me sente après ce qui vient de se passer ? Qu'est-ce qui est aussi pressé pour que vous me convoquiez aussi tôt après que je sois rentrée de cet échec ?

Au moment même où la violoniste acheva sa question, la montagne qui se trouvait de l'autre côté du lac explosa dans un vacarme assourdissant. Le sol tremblait tellement qu'il était totalement impossible de rester debout. Plus de la moitié des arbres s'étaient couchés à cause de l'onde de choc et le lac, paisible d'habitude, formaient de gigantesques vagues qui allaient jusqu'à lâcher la terrasse de l'habitation pourtant construite plus en hauteur.

— Il se passe quoi ? Paniqua la beast une fois que la terre à peu près calmée et le grondement assez atténué pour que les esprits puissent l'entendre. Le roi a réussi à entrer et nous attaque ?

— Non, c'est l'autre toi qui a fait ça, répondit Fos en se relevant.

— Elle n'a vraiment pas apprécié le dénouement à la capitale et est furieuse, ajouta Cristal. Ça fait trois fois depuis ton retour qu'elle détruit cette montagne.

— Nous avons essayé de la calmer, mais elle n'a rien voulu entendre. Il faut que tu fasses quelque chose.

— Que je fasse quelque chose ? Vous voulez que je meure pour refourguer le violon à quelqu'un d'autre, c'est ça ?! Parce que la mort, c'est tout ce qui m'attend si je m'approche d'elle !

Une nouvelle fois, une explosion retentit et transforma une autre montagne en un cratère fumant. Même si tout ce qui se trouvait dans le violon n'était qu'une fausse représentation de la réalité, la vision restait tout de même apocalyptique.

Pour détruire ces montagnes, son alter-ego n'utilisait pas un sort de modelage comme le faisait Cristal, mais bien un sort d'explosion digne de ce qu'elle pouvait voir dans ses livres d'histoire qui parlaient de l'arme ultime des humains pendant la grande guerre.

Si son elle du violon était capable de réaliser de telles choses, pouvait-elle en faire de même à l'extérieur ? Ses petits tours lors de son entraînement contre Orélius lui paraissaient tout de suite tout à faire dérisoire.

— Elle est toi, elle ne te fera rien, tenta de la rassurer Fos.

— J'ai bien envie de prendre le pari, mais si je gagne je ne serai plus là pour empocher mes gains. Elle m'en veut sans doute de m'être montrée aussi inutile.

— Espèce d'immonde fumier, connard, sac à merde ! Je vais te buter, tu m'entends ?! Raisonna sa propre voix dans la cuvette à présent ouverte par un trou béant.

Au vu de la voix et du langage fleuri, la personne qui venait de hurler ne pouvait qu'être son alter-ego qui se trouvait de l'autre côté du lac. Un détail dans les immondices qu'elle venait de crier retint tout de même l'attention de Syara. Connard ? Si elle était la cible de ces invectives, son double n'aurait certainement pas utilisé le masculin.

— Elle en veut au roi ou à ton toi du monde réel de nous avoir évacué ?

— Je n'en ai pas la moindre idée. Comme je te l'ai dit, elle ne veut rien entendre et nous repousse dès qu'on essai de l'approcher. Toi qui es elle, je sais que tu es en colère en plus de la tristesse qui t'envahit. Cette colère est dirigée contre qui ?

— Justement, je suis en colère contre le roi, Fos et moi... Bon, j'ai l'impression que je n'ai de toute façon pas le choix...

Tout en se séparant de Cristal et de Fos, Syara commença à contourner le lac pour rejoindre son alter-ego du violon. Tout le paysage était dévasté autour d'elle, une véritable hécatombe végétale. Tout ceci était absurde, pensa-t-elle. C'était elle qui était en détresse émotionnelle, mais c'était à elle d'aller calmer quelqu'un d'autre. Le seul point positif dans tout cela était que, malgré son état, un esprit maléfique n'en avait cette fois-ci pas profité pour prendre possession de son corps et faire un carnage tout autour d'elle.