Chapitre 47 : une pause dans les plaines

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 Sous un ciel menaçant, le groupe d'escorte ainsi que les trois harpies marchaient en direction d'Edolaf. Il n'y avait pour l'instant aucun risque et toute personne qu'ils pouvaient croiser pouvait être vu de très loin. Malgré tout, les trois harpies préféraient prendre toutes les précautions et arboraient déjà leur longue cape à capuche. Vêtues ainsi, avec uniquement le bas du visage de visible, il était absolument impossible de savoir ce qu'elles étaient.

Cette tranquillité permettait au moins, pour le moment, à Sae de ne pas être constamment entourée de ses protecteurs. Elle ouvrait la marche au côté de Phi avec qui elle ne cessait de discuter. Syara était bien trop absorbée par la mission et le fait d'avoir ses sens aux aguets et ainsi palier à toute éventualité pour chercher à écouter ce qu'elles se disaient. Cependant, il n'était pas rare de les entendre pouffer de rire.

En les voyant ainsi, la beast ne pouvait s'empêcher de sourire et elle n'était pas la seule dans ce cas. Ses sœurs étaient heureuses de la voir ainsi. Elles confièrent d'ailleurs qu'elles étaient souvent à la place de la fée avant que le plumage de l'impératrice n'apparaisse. Malgré son ordre de garder leur libre arbitre, elles étaient conscientes que quelque chose avait changé en elles et les empêchait de continuer la relation qu'elles avaient avec leur sœur avant cela.

Syara put d'ailleurs constater ce changement chez elles lorsqu'elle vit que l'une des sœurs commençait à peiner. Comme l'avait annoncé Sae, elle ne s'en plaignit pas pour ne pas ralentir son impératrice. Heureusement, la jeune harpie les surveillait et demanda rapidement une pause pour elles.

— Je vous avais dit de demander une pause si vous étiez fatiguées ! s'exclama-t-elle en voyant dans quel état d'épuisement elles se trouvaient.

— Toi par contre, ça a l'air d'aller, remarqua Rael. Le fait d'être impératrice te donne certains avantages comme une plus grande endurance ?

— Je ne pense pas, répondit-elle. À part le lien que je peux créer avec chaque harpie dans le monde et le fait qu'elles m'obéissent, je n'ai pas vraiment remarqué d'autres changements. À mon avis, c'est surtout parce que j'ai passé un long moment sans pouvoir voler et que j'ai dû m'adapter. Si je n'avais pas dû marcher sans pouvoir voler pendant plusieurs mois, j'aurai été exténuée bien avant elles.

— Désolée, grimaça Elyazra qui était responsable de la perte des plumes de Sae.

— Je te l'ai dit hier, c'est oublié. Votre arrivée nous a libérés de la tyrannie de la matriarche. Tu n'as pas à t'excuser. Et puis, comme tu peux le voir aujourd'hui, cette expérience m'a été utile.

— Quoi qu'il en soit, si vous voulez vraiment faire plaisir à votre sœur et être utile à votre impératrice, dites nous quand vous voulez vous arrêter, appuya Guard. Si nous continuons à marcher alors que vous n'en pouvez plus et qu'elle ne le remarque que trop tardivement, nous perdrons bien plus de temps que si vous demandez une pause. Et si cet argument ne vous convainc toujours pas, dites-vous que vous devez être au mieux de votre forme pour la protéger.

— C'est d'accord, nous vous préviendrons, répondit une des sœurs.

Assis en cercle directement sur l'herbe de la plaine, le groupe prit donc une pause après avoir déjà bien avancé. Syara avait du mal à l'admettre, mais pour elle qui avait passé une nuit blanche, cet arrêt était le bienvenu.

Elyazra restait à l'affût du moindre danger, Rael et Guard consultaient leur carte pour déterminer quelle distance ils avaient déjà parcouru, quant à Phi, la jeune fée avait décidé de venir en aide aux harpies en leur prodiguant des soins pour apaiser leurs serres endolories.

— De la magie sans instrument ? s'étonna la harpie qui se faisait soigner.

— Comme les dragons, les fées savent utiliser l'énergie du monde pour faire appel à la magie, expliqua Phi. Elle est aussi variée que chez les musiciens. La mienne par exemple me permet de soigner et de protéger grâce à une barrière.

— Vous pensez que les harpies aussi peuvent utiliser la magie ? Questionna Sae.

— Pas comme le fait Phi, mais peut-être qu'elles ont la possibilité de faire appel à un instrument, répondit Syara. Si nous réussissons cette mission et que les harpies s'intègrent aux autres races, vous pourrez tenter votre chance.

— Nous... Quoi ? Désolée, mais je n'ai pas compris la fin de ta phrase, s'excusa l'impératrice.

Syara avait presque oublié ce détail. Ceux qui n'avaient pas conscience du coffre de cristal ne pouvaient comprendre la moindre référence à celui-ci. Parler de chance en sachant que seulement une personne sur dix pouvait obtenir un instrument lié devait faire partie de ces choses affectées par le sort du secret.

— à mon avis, ça n'est pas impossible, résuma-t-elle plutôt.

Posant son regard sur ses serres, Sae fit remonter à Syara le souvenir de leur première rencontre. Elle avait fait exactement la même chose lorsqu'elle l'avait vu utiliser son violon pour la première fois. Émerveillée par cet instrument, elle avait vite constaté que la physionomie des harpies l'empêchait d'y jouer.

— Si les harpies peuvent effectivement avoir des instruments liés, ça ne sera certainement pas des instruments que vous ne pouvez pas manier, la rassura Syara. Vous aurez sans doute des instruments que votre peuple a l'habitude d'utiliser.

— à part des percussions, nous ne faisons que chanter.

— Le chant est aussi un instrument, répondit la beast. Rael par exemple est un chanteur. La forme qu'a prise son instrument est un collier qui insuffle de la magie dans ses chants.

— Si notre impératrice obtient un instrument, elle aura sans aucun doute un collier comme ça, commenta l'une des harpies.

— C'est vrai qu'elle a une voix magnifique ! Enchérit son autre sœur.

— Et pourquoi ne pas nous en faire profiter ? Proposa Guard. Je suis curieux d'entendre un chant de harpie.

— Je... heu... non... je... Bafouilla la jeune harpie.

Rouge de honte, Sae plaça ses bras en croix devant son visage pour se cacher derrière ses plumes. Bien qu'habituée à devoir jouer devant d'autres personnes, Syara comprenait que cela pouvait s'avérer gênant pour une personne réservée comme elle. La beast était cependant intriguée et voulait aussi l'entendre chanter.

Les deux sœurs, beaucoup moins timides, se mirent à faire des percussions corporelles et à chanter ce qui pouvait s'apparenter à un chœur. Au bout de quelques secondes, une voix discrète et cristalline s'ajouta au tout et prit peu à peu de l'assurance à mesure que les bras de la chanteuse se baissaient pour découvrir son visage.

Tous arrêtèrent de faire quoi que ce soit et se rassemblèrent pour l'écouter. La chanson parlait d'une harpie qui voulait voir ce qui se trouvait au dessus des nuages et, si cette histoire ne se terminait pas très bien, Sae arrivait à faire passer les émotions qu'elle voulait transmettre dans sa voix. Ses sœurs avaient raison, elle chantait divinement bien. Si elle était amenée à avoir un instrument lié, sortir autre chose qu'un collier du coffre de cristal serait tout simplement un pur gâchis.  

Le violon de cristal : l'autre mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant