Chapitre 190 : Lien de parenté

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 Il faut qu'on parle. Cette phrase que venait de prononcer Cristal dans la tête de Syara était soit une très bonne nouvelle, soit une mauvaise. Quoi qu'il en soit, elle ne pouvait décemment pas envoyer son esprit dans le violon à cet instant. Cette discussion allait devoir attendre leur retour dans la grotte de Fos.

— De ce que j'ai compris, votre fils n'était pas quelqu'un de mauvais et, avant de se faire voler son corps, était plutôt proche des idéaux de mon père, commenta Élane. Pensez-vous qu'il nous soit possible de venir à bout du roi tout en le sauvant ?

— S'il a pu subsister une partie de mon fils un jour, raison pour laquelle j'aurai été enfermé et non exécuté, je ne pense pas qu'il reste la moindre trace de lui aujourd'hui. Et même si c'était le cas, dans quel état serait-il ? Reviendrait-il comme on s'éveille d'un long sommeil ou aurait-il assisté à tout ce que le roi des elfes a fait ? Dans le premier cas, il serait dévasté de voir à quoi ressemble son peuple et, dans le second, il serait totalement brisé. Dans cette tour, j'ai perdu la raison de nombreuses fois, je n'ose imaginer ce que cela fait d'être encore plus entravé, prisonnier de son propre corps pendant autant de temps à se voir persécuter les autres.

Pour en avoir fait l'expérience lorsque l'ombre du violon était encore une menace pour elle, Syara ne pouvait qu'admettre que l'ancien roi avait raison. Si la théorie du sommeil pouvait mener à débat, celle de l'emprisonnement conscient ne devait avoir, comme solution la plus humaine, que la mort.

— Y a-t-il quoi que ce soit d'autre que vous puissiez nous apprendre qui nous aiderai à en venir à bout ? Demanda Orélius.

— Ce roi tyran est fort, mais il a prouvé à de nombreuses reprises qu'il était aussi arrogant. Si vous trouvez les bons mots, vous pourriez très bien vous faciliter les choses et éviter les pertes malheureuses, à la fois chez vous et chez tous ceux qu'il contrôle.

— En somme, il faut le provoquer de manière à ce qu'il cherche à nous affronter lui-même sans l'intervention des autres, résuma Syara. Ça tombe bien, j'en connais une dont la provocation est la spécialité.

— J'ai déjà plein d'idées, s'enjoua Elyazra avec un sourire carnassier.

Ça, sa sœur n'en doutait pas une seule seconde. Si l'ancien roi pouvait voir le passé et le présent de ce monde et que celui actuel pouvait contrôler les foules, le pouvoir inné de la demie-dragonne était incontestablement celui de d'énerver les gens rien qu'en parlant.

— J'aurai une dernière question, s'avança la beast. Savez-vous si le roi a eu vent de ce qui est arrivé aux elfes ?

— Selon le monde ascendant, celui capable d'ouvrir aisément des portails vers les autres, les anges ou les elfes se chargeaient de le maintenir. Des échos d'une révolte lui sont parvenus, mais le portail s'est refermé avant qu'il ne puisse faire quoi que ce soit et, depuis lors, le monde des anges n'a jamais été ascendant.

— Détruire le portail et assassiner ceux capables de les créer ont été parmi les toutes premières missions lorsque la révolte a éclaté, indiqua Cristal, toujours dans la tête de la violoniste. Nous savions que les anges étaient de puissants alliés des elfes et qu'avec eux en renfort, nous n'aurions pas fait le poids.

— J'espère sincèrement que vous réussirez à le vaincre. Pour votre monde, pour le mien et pour libérer mon fils de ce cauchemar qu'il vit depuis déjà bien trop longtemps.

— T'en fais pas grand-papy, on s'occupe de son cas et après on trouve un moyen de te libérer de ta tour pour que tu remettes ton peuple dans le droit chemin ! S'exclama Elyazra avec enthousiasme.

— S'en est trop ! Explosa la servante en sortant une nouvelle fois ses dagues. Je ne vous laisserai plus manquer de respect à mon maître !

— Mais je ne lui manque pas de respect ! se défendit-elle. C'est factuellement vrai ! Syara et moi sommes les filles de la fille du roi qui est son fils, ça fait de nous ses petites-petites-filles et donc lui, notre arrière-grand-père. Pardon d'utiliser un terme un peu plus familier avec un des rares membres de ma famille qui ne soit pas un dégénéré sanguinaire !

— Personnellement, c'est le premier que je rencontre qui ne corresponde pas à cette description, ajouta Syara.

— Parfaitem... Eh, mais et moi alors ?!

— C'est bien ce que je dis, c'est le premier, appuya la violoniste.

Malgré les chamailleries des deux sœurs, l'ancien roi gardait la bouche ouverte, mais n'arrivait pas à en faire sortir le moindre son. Il avait beau pouvoir tout connaître sur ce monde, cela ne l'avait pas empêché de passer à côté de leur lien de parenté. Et pourtant, Syara était presque certaine d'en avoir parlé avec Fos. Sans doute avait-il besoin de rechercher un événement, un lieu ou une date précise pour obtenir des informations. Un tel fonctionnement était plus logique que d'avoir directement toutes ces connaissances dans sa tête.

— Vous êtes... Réellement... Est-ce ? Finit-il par bafouiller.

— Même si elle ne voyait en nous que des objets et que nos pères ont réussi à nous éloigner d'elle pour nous protéger, nous sommes les filles d'Anela, confirma Syara.

— Dans mes moments de folie des trois derniers millénaires, j'arrivais à rester lucide en m'émerveillant de ma petite-fille, si gentille, douce et innocente.

— On parle de la même ? S'étonna Elyazra. Pardonne-moi si ça te choque, mais de notre point de vue, c'était une énorme connasse.

— C'est son père, ou plutôt ce roi des elfes, qui l'a pervertie avec ses idées nauséabondes, grogna-t-il. Il a transformé celle qui aurait pu être une lumière pour son peuple en une fanatique assoiffée de pouvoirs et en perpétuelle quête de reconnaissance. À cause de cela, elle s'est engouffrée dans un portail pourtant instable vers un nouveau monde avec comme ambition de le conquérir et de l'offrir à son père. Malheureusement, de ce que vous me dites, être éloignée de son influence n'a pas suffit à la faire revenir à la raison.

— Elle était celle qui manipulait en coulisse de grandes puissances pour qu'elles se fassent la guerre. Ses manigances ont failli conduire notre monde à sa perte plus d'une fois. Je suis désolée de vous l'apprendre...

Si le maître de la tour ne dit rien, une larme se mit tout de même à rouler sur sa joue. Celle-ci devait représenter toutes les suppositions, tous les espoirs concernant sa petite-fille et qui étaient bien loin de la réalité. Même si ça n'était pas elle qui avait révélé leur lien de parenté, Syara se sentait tout de même coupable de lui avoir avoué une telle chose.

Le violon de cristal : l'autre mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant