12. Plus vite que prévu

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- Demain, Ana, t'as pas le choix, on sort! m'annonça Camille d'une voix enjouée.

- Quoi? m'étranglai-je.

- On sort, reprit-elle de bon coeur. C'est la première soirée étudiante de l'année!

Nous étions attablées à la "Grande Cafét' ". Qui aurait pu imaginer que la créativité se retrouve dans tous les noms des services de restauration de cette université? Après la "Petit' Cafét' ", il y avait donc la "Grande Cafét' " et j'avais découvert, au fil de mes déambulations sur le campus, la "Pause Café"; une sorte de café pour se détendre autour d'une boisson entre deux cours. Non mais sérieusement, c'était quoi ces noms à la con? Je m'imaginai les grands pontes de l'université se rassembler autour d'une grande table pour un grand brainstorming et se congratuler mutuellement pour leurs mémorables trouvailles. Cette vision me fit rire intérieurement.

La salle de la cafétéria était bien évidemment immense - d'où son nom -, sobre, avec une décoration quasi inexistante dans des teintes de gris et de bleu. L'atout du lieu était les grandes baies vitrées qui donnaient sur les jardins du campus où, dès le printemps, les étudiants s'installaient pour se restaurer, se relaxer voire réviser, m'avait expliqué Camille un peu avant. Et puis, la nourriture était mangeable, pas excellente mais ça allait. Nous avions opté pour le steak/frites, qui à la vue des assiettes que nous croisions était le plat plébiscité aujourd'hui par les autres étudiants. L'avantage de ce self était d'être rapide. Du moins en théorie. Ça faisait déjà presque une heure qui nous y traînions.

Camille avait choisi la fin de repas pour m'inviter à une soirée ou plutôt m'imposer cette soirée, situation à laquelle je ne m'étais pas encore préparée. Je ne pensais pas que le sujet des soirées allait se poser aussi rapidement. La première semaine de cours n'était même pas achevée. Je m'étais bêtement dite que j'aurais le temps de trouver un stratagème pour m'en dispenser le moment venu. J'aurais pu trouver une bonne excuse comme une activité le soir: du dessin, de la musique, au pire, du sport. Un truc qui aurait pris beaucoup de temps. Des révisions difficiles qui nécessiteraient un tutorat le soir... Mais, toutes ces excuses ne pouvaient pas être valables dès la première semaine. Il me fallait réfléchir vite. Qu'est-ce que je pouvais bien prétexter en début d'année ?

- Mais... essayai-je avant d'être immédiatement coupée.

- Non, pas de mais, balaya-t-elle sur le champ. A la fac, le jeudi des étudiants, c'est sacré, alors le premier jeudi de l'année, c'est in-tou-cha-ble!!!

- Et on fera comment le lendemain? Il y a cours vendredi, je te rappelle.

- Et alors? Si tu t'arrêtes à ça, notre année universitaire va être un sacerdoce!

- Je ne t'empêche pas d'y aller.

- Y aller sans toi? refusa-t-elle immédiatement. Pas question.

- Ne me fais pas croire que je suis irremplaçable, lui rétorquai-je avec une pointe d'agressivité que je ne parvins pas à contenir. Avec toutes les personnes que tu connais, il y en a bien une qui se dévouera...

- Dévouera? C'est sympa!

- Non, je ne voulais pas dire ça, lui expliquai-je en regrettant aussitôt de l'avoir involontairement vexée. Mais tu m'as présenté tellement de gens à la journée d'immersion que j'arrive pas à t'imaginer incapable de trouver quelqu'un pour t'accompagner.

- Je ne veux personne pour m'accompagner! dit-elle en s'énervant. Je pourrais très bien y aller seule. Je n'ai jamais eu besoin d'un chaperon. J'ai juste envie qu'on y aille ensemble, mince! C'est pas compliqué à comprendre.

Je voyais bien que son énervement était proportionnel à sa déception. Mes protestations semblaient l'avoir attristée, ce qui m'échappait complètement. Je ne comprenais pas pourquoi ça lui tenait tant à coeur. Elle, qui semblait tellement entourée et populaire. Tous les jours, elle s'était arrêtée pour saluer des connaissances aux intercours, garçons et filles, de licence et de master, et échanger des anecdotes sur les soirées passées, relayer les nouveaux potins ou planifier de nouvelles sorties. Pourquoi donc insistait-elle pour que je me joigne à elle? Une soirée était une soirée, non? Que pouvait-elle avoir d'exceptionnel à part être la première soirée de l'année?

Une nuit et un jourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant