84. Les jours d'après

103 7 5
                                    

Les jours qui suivirent furent un peu brumeux. Les semaines même.

Monsieur Hicks avait été d'un grand secours. Sans lui, je ne savais pas ce que je serais devenue. Je louais sa bienveillance. Il m'avait complètement prise en charge à partir du moment où je l'avais appelée.

Son chauffeur m'avait conduite à son hôtel particulier. En robe de chambre en tartan sur le perron, les cheveux ébouriffés, il m'avait accueillie d'un sourire encore endormi et s'était écarté pour laisser ma silhouette trempée s'abriter de la pluie. Sans me poser de questions, il m'avait installée dans la chambre de sa fille, m'indiquant la salle de bain attenante pour que je puisse prendre une douche et me changer. Une employée de maison, habillée d'une robe gris clair cintrée par un tablier blanc, avait récupéré mes vêtements gorgés d'eau. Je m'étais faufilée sous les draps épais, soulagée d'être au chaud. Harassée de fatigue et chagrin, j'avais plongé dans un sommeil agité.

Malgré les volets, la lumière d'un jour déjà bien entamé m'avait réveillée en s'infiltrant dans les interstices des persiennes. Mes yeux humides avaient peiné à s'ouvrir. Il m'avait fallu de longues secondes pour recouvrer mes esprits et reconnaître la chambre dans laquelle je me trouvais. Mes habits avaient été lavés, pliés et déposés sur la commode. L'odeur familière de l'adoucissant m'avait un instant réconfortée. Après m'être vêtue, j'avais arpenté longuement la pièce avant de me décider à en sortir. L'employée de maison, que j'avais croisée quelques heures plus tôt, m'avait informée que Monsieur Hicks m'attendait dans la salle à manger pour le déjeuner. En réponse à mon air perdu, elle m'avait invitée à la suivre.

Je n'avais pas eu très faim. Pour ne pas offenser Monsieur Hicks, je m'étais forcée à goûter les plats qui m'avaient été proposés. Au moment du café, confortablement installés dans le petit salon, je l'avais remercié pour son hospitalité.

- Vous pourriez me dire ce qui vous est arrivé maintenant... avait-il suggéré en s'enfonçant dans son fauteuil.

Je m'étais tellement sentie redevable que je décidai, après une longue inspiration, de lui apporter une réponse la plus sincère possible, quoiqu'il m'en coûterait. Sonnée par cette remémoration, je fus étonnée de réussir à lui raconter une vague histoire que j'avais toujours du mal à comprendre. Des larmes avaient perlé au coin de mes yeux. Impassible, il n'avait émis aucun commentaire lorsque je lui avais narré mon déferlement de violence. Honteuse de ne pas avoir su me maîtriser, j'avais gardé la tête baissée, contemplant mes doigts nerveusement. J'avais la sensation douloureuse que j'étais responsable de tout ce cauchemar. Qu'allait-il penser de moi après ces révélations? Comment tout cela allait-il finir? D'autant plus que je risquais gros si Elena portait plainte. Et au souvenir de sa lèvre fendue, elle avait toute latitude pour le faire.

- Ca n'arrivera pas, m'avait-il certifié en l'écartant d'un geste. Cette Elena, vous m'avez dit que c'est la fille de l'ambassadeur d'Espagne en...

- ... en Pologne, avais-je complété d'une voix à peine audible.

- Donc, il doit s'agir de la cadette Castellino, avait-il réfléchi à voix haute en buvant une gorgée de sa tasse fumante. Ne vous en souciez pas, je m'en charge.

Qu'avait-il voulu dire? Comment allait-il s'en charger? Comment ne pas m'en soucier???

- Que voulez-vous faire maintenant? s'inquiéta-t-il, mettant ainsi un terme à l'emballement de mes pensées.

- Rentrer chez moi, lui avais-je confié sans trop savoir comment.

Je n'avais pas eu besoin de m'en occuper non plus. Il m'avait innocemment demandé où était ce chez moi et avait fait bien plus que me rassurer. Son chauffeur m'avait emmenée à l'aéroport en fin d'après-midi. Monsieur Hicks avait véritablement tout prévu; de la réservation des billets au trajet en taxi qui m'avait déposé au pied de mon immeuble. Quand je l'avais interrogé sur les raisons qui le poussaient à m'aider, il m'avait adressé un simple:

Une nuit et un jourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant