59. L'inconnu face à moi

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Mon corps se raidit au son de sa voix avant même que je n'eus le temps de poser les yeux sur sa silhouette. Mon coeur cogna dans ma poitrine, de plus en plus fort. L'air commença à me manquer. Mes cordes vocales n'avaient pas été préparées à cette rencontre si matinale. Les sons ne parvinrent pas à franchir mes lèvres. Ma bouche resta entrouverte sans que rien ne se passa.

-Cache ta joie! grommela-t-il la bouche pleine.

Sacha... Il était en train de s'enfiler goulûment le reste des pizzas de la veille, faiblement éclairé par la douce lumière des spots derrière lui. Ça lui donnait une allure presque irréelle. Putain, ce qu'il était beau! Moins de 48 heures avait suffit pour me faire oublier la délicatesse de son regard, la virilité qui se dégageait de chacun de ses traits. J'avais l'impression de le découvrir de nouveau. Et, il me faisait toujours le même effet. Un tourbillon d'émotions et de sensations. J'aurais pu être foudroyée immédiatement, je serais partie avec l'impression la plus agréable qu'il fût.

-Désolé, j'ai trop la dalle! s'excusa-t-il en continuant de dévorer la part qu'il avait dans les mains. Franchement, comment ils peuvent croire qu'ils vont nous nourrir avec une poignée de petits fours? Bordel, des heures que j'attends de bouffer un vrai truc.

Il ne s'était pas donné la peine de réchauffer la pizza et la mangeait à même l'emballage. Il enchaînait les parts à une vitesse redoutable. A croire qu'il avait jeûné des jours entiers. Ce qui n'était pas si improbable étant donné la pénurie de nourriture dans les placards.

Je me rapprochais de Sacha avec hésitation. Je ne savais pas comment lui dire bonjour, et mes idées embrumées ne m'aidaient pas dans ma réflexion. Est-ce que je devais lui faire la bise, lui déposer un baiser ? J'étais perdue. Je me sentais bête, incapable de prononcer une parole. Mince Ana, dis quelque chose!!! Ses yeux continuaient à me détailler avec insistance tandis qu'il engloutissait une nouvelle part.

-Je vais regretter la licorne!

De quoi me parlait-il? Quelle licorne? Je rêvais? C'était ça en fait, je dormais encore et j'étais en plein rêve.

-La chemise de nuit de ma soeur, précisa-t-il en pointant mon pyjama du menton.

Je tirais sur mon tee-shirt pour m'en remémorer le motif. Une chouette. C'était passe-partout une chouette, non? En plus, elle était dans les tons pastels. Moi, en tout cas, je la trouvais plutôt sobre. C'était d'ailleurs pour cette raison que j'avais choisi cet ensemble pour venir ce soir.

-T'aimes pas? m'inquiétai-je involontairement.

D'un côté comment aurait-il pu aimer? A part une nana, qui d'autres pourrait apprécier sincèrement mes pyjamas? Et encore. C'était clairement pas une arme de séduction.

-C'est... spécial.

Je sentais bien qu'il n'était pas convaincu par le modèle, mais pas au point de lui couper l'appétit. Je me rassurais comme je pouvais. Et pour être honnête, après cette remarque, j'étais encore moins à mon aise. Comment j'étais censée me comporter avec lui? Je croisai les bras pour faire disparaître la chouette que mon tee-shirt arborait. Sacha décida de changer de sujet.

-Ça s'est passé comment avec ma soeur?

-Bien.

Ma réponse fut courte. J'étais encore un peu vexée.

-Elle est toujours en vie? plaisanta-t-il.

-Ça dépend... prononçai-je à voix basse en relevant les yeux pour le regarder.

Le visage de Sacha devint aussitôt plus dur. Ses sourcils se froncèrent. Ses mains s'immobilisèrent en l'air en attendant la suite.

-Le cyanure agit au bout de combien de temps? repris-je en exagérant mes talents de comédienne.

Une nuit et un jourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant