61. Un peu de réconfort

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-Appelle-les, promets-le moi! insista-t-il une nouvelle fois.

-Oui, cédai-je à contre coeur. Promis.

Jonas m'avait appelée au retour des cours. Je venais à peine de poser un pied à l'intérieur de l'appart' que j'avais vu son nom apparaître sur l'écran de mon smartphone. J'avais eu le droit à une longue litanie des raisons pour lesquelles j'étais dans l'obligation d'appeler mes parents dès ce soir. Ils auraient pu très bien m'appeler eux aussi, s'ils étaient si inquiets. Ces recommandations m'avaient agacée mais ça faisait du bien de l'entendre. Il me manquait. Ma vie d'avant me manquait. Avant toute cette merde. Quand mes seules souffrances tournaient autour des interdictions de sortie après 23 h. Mes parents m'avaient toujours opposée une fin de non recevoir lorsque je les avais supplié de faire un effort. Mais mince, une soirée de nouvel an jusqu'à 23 h, ça craignait! Ok, j'avais 14 ans à l'époque mais quand même la honte que j'avais eue!

Malgré moi, les larmes commencèrent à couler. Je tentai de les dissimuler, de contrôler ma respiration pour ne rien laisser paraître. Ce fut peine perdue. Elles n'en firent qu'à leur tête.

-Tu pleures Ana?

-Non, sanglotai-je.

Ridicule tentative de camouflage.

-Eh cousine, qu'est-ce qui t'arrive?

Ses mots se voulurent légers, en vain. Son inquiétude transperçait sa voix.

-Rien, rien, essayai-je de le rassurer en ravalant ma tristesse. Ca va passer.

Je m'essuyai les yeux du revers de la main. Je m'enfouis encore plus sous les couvertures dans lesquelles je m'étais réfugiée. Mon lit était devenu mon univers, l'endroit où je passais dorénavant le plus de temps. Mon repère, la grotte dans laquelle j'avais commencé mon hibernation. Et puis, j'y étais à l'abri de Marine et de ses regards en coin. J'avais préféré lui laisser la jouissance du canapé et de la télé quand elle était là. Ce qui me les laissait pas mal de temps accessibles.

J'en profitais pour essayer de plancher sur mes cours, qui me laissaient perplexes. Plus je les parcourais, plus je me sentais éloignée de la sociologie. Les théorisations trop détachaient de mon quotidien me laissaient sceptiques. Ces révisions avaient néanmoins le mérite de concentrer mon attention sur autre chose que mes idées noires et la façon dont j'arrivais à tout pourrir dans ma vie. Le reste du temps, je mettais mes écouteurs et passais en boucles des morceaux de musique en accord avec mon état d'esprit. Déprimants à souhait. C'était fou ce qu'il existait comme titres dans cette gamme. Les artistes n'avaient jamais manqué d'inspiration dans ce domaine. J'aurais pu être une de leurs muses.

-Qu'est-ce que tu as prévu de faire ce soir? me demanda-t-il subitement.

-Euh... Regarder un film et aller me coucher... murmurai-je en soufflant.

-Un vendredi soir?

-Oui.

-Ok, j'arrive, annonça-t-il fermement.

-Quoi? dis-je en déglutissant difficilement.

-Je rassemble 2, 3 affaires et je pars!

-Non... Non, ne fais pas ça! protestai-je sans conviction. C'est juste un petit coup de blues, j't'assure ça va passer. Ne prends pas la route ce soir... C'est le déménagement, les cours, rien de grav...

-Ecoute, Ana, j'te connais, me stoppa-t-il sévèrement. Là, ça va pas. Alors je suis chez toi dans 2 h max.

-Mais...

-Y a pas de mais... Et en plus, j'avais aucun plan pour ce week-end! plaisanta-t-il.

Mes lèvres se pincèrent dans une esquisse approximative de sourire. Aucun plan? Je n'y croyais pas une seule seconde. Jonas n'avait jamais été du genre à se terrer dans sa chambre un week-end. Il était toujours partant pour une sortie, une fête, et toujours appelé pour rameuter du monde à une soirée. Un vrai mec des relations publiques avec un réseau qui attirait la convoitise et une pléiade de nanas à ses basques. Et il osait me soutenir qu'il n'avait aucun projet pour le week-end! C'était peu crédible mais je ne le contredis pas.

Une nuit et un jourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant