Je me sentais vraiment ridicule affublée de cette petite robe noire et de ce manteau qui ne m'appartenaient pas. Je me félicitai d'avoir échappé à la robe blanche à dentelle noire trop courte, trop décolletée, trop moulante, trop voyante, trop tout! J'étais aussi parvenue à éviter la paire de talons que m'avait tendue Camille, elles auraient été trop petites de toutes façon. Je portai les miens, d'une hauteur plus raisonnable mais assurément moins élégants. Camille avait été dure à la négociation. Mais, il y avait des limites à ne pas dépasser, tant pour elle que pour moi!
Je ne savais pas véritablement comment les événements s'étaient enchaînés pour que je laisse carte blanche à Camille et l'autorise à me relooker de la sorte, avec un maquillage digne d'un festival de Cannes. Heureusement qu'elle avait abandonné l'idée des faux ongles face à ma virulente opposition. J'avais mis mon veto d'emblée quand elle les avaient fait surgir de sa valise. Il ne fallait pas exagérer non plus, je n'avais pas envie de me travestir! Si ce n'était pas déjà trop tard.
Comment m'étais-je retrouvée dans le SUV Mercedes de Camille en direction d'une soirée qui m'était complètement inconnue? Je me posais encore la question. A quel moment les événements étaient-ils devenus hors de mon contrôle? Aucune idée, si je l'avais identifié, je ne serais certainement pas dans cette posture.
Quand Camille m'avait invitée à la "sacro sainte" soirée du début de l'année, j'avais imaginé naïvement une soirée étudiante lambda tenant compte du budget de l'étudiant moyen. Une fête dans une discothèque quelconque et au mieux dans une salle réservée au préalable avec une entrée à prix réduit uniquement pour prendre en charge les frais de location de la salle, de la sono et du poste de dépense le plus important: l'alcool.
Lorsque Camille m'avait plantée devant le grand miroir de la salle de bain pour exhiber son oeuvre -moi, déguisée -, la peur qui m'envahissait à chaque perspective de devoir côtoyer des inconnus alcoolisés, une foule déchaînée au son d'une musique étourdissante, s'était mêlée à une profonde perplexité. Il y avait un décalage considérable entre les représentations que je me faisais d'une fête étudiante et l'apparence que nous reflétions, Camille et moi, dans ce miroir. Satisfaite de la métamorphose qu'elle avait réussi à opérer sur moi, elle m'avait fait signe que c'était l'heure d'y aller.
Elle avait pris son manteau, son sac, et enfilé ses talons et avait ouvert la porte. Elle m'avait attendu impatience dans l'entrée me rabâchant qu'il n'y avait plus une minute à perdre, qu'il était déjà plus de 23 heures. Nous risquions de tout louper sinon. Ça aurait été bien dommage, aurais-je voulu lui grogner. J'avais regardé avec envie mes tartines de pain de mie abandonnées sur le bar.
- Non, n'y pense même pas, on n'a plus le temps, m'avait sommé Camille quand elle m'avait aperçu lorgner sur mon encas. De toute façon, il y aurait de quoi manger sur place, avait-elle assuré.
Nous étions donc en route vers une destination parfaitement inconnue, Camille se délectant de faire durer le suspens malgré mes interrogations.
- Tu verras, ça va être génial! s'enthousiasma-t-elle en me lançant quelques coups d'oeil furtifs malgré son air concentré sur la route.
J'en doutais fort! A ce moment précis, je ne voulais qu'une seule chose, retourner à l'appartement, retrouver une Marine froide et méprisante, bref, l'environnement qui était devenu le mien depuis seulement quelques jours mais qui constituait mes seuls repères. Et en cela, il était devenu rassurant... protecteur. Je regardais les paysages urbains défiler dans la pénombre d'une nuit qui commençait à être bien avancée.
Les rues étroites et les immeubles du centre ville laissèrent la place à des quartiers résidentiels. Merde, où allions-nous? Si la soirée tournait mal, comment ferais-je pour rentrer chez moi? Nous roulions depuis déjà quelques minutes et chaque nouvelle creusait encore un plus la distance qui nous séparait de ma rue. Comment ferais-je pour rejoindre l'appart'? Je n'avais clairement pas les moyens de me payer un taxi et rentrer habillée comme ça, avec des talons derechef, était inenvisageable!
VOUS LISEZ
Une nuit et un jour
RomanceL'université. Une page qui se tourne sur le lycée. Des promesses d'une nouvelle vie et un autre avenir... Effacer cette nuit où tout a basculé et chaque jour faire un nouveau pas. Partir en laissant derrière elle sa vie d'avant. Avec pour seul...