Une nuit et un jour

62. Un plan à 3

-Qu'est-ce que tu fais là?

-Sympa l'accueil! dit-elle en se faufilant à l'intérieur.

-Tu te rappelles de Paul?

Camille et son flot de paroles ininterrompues étaient en marche. Elle passa devant moi et rejoignit le salon, sans se retourner, en continuant de parler. J'en profitai pour refermer la porte d'entrée et la suivre.

-Je t'en ai parlé, tu sais... Pour ton histoire de job.

Le Paul un peu bizarre? Oui, je m'en souvenais. Il avait une agence d'hôtesses.

-Et bien, Paul organise une sorte de réception, une connerie dans le genre, poursuivit-elle. Et ce serait l'occasion de te le présenter. Ca te dit?

-Je ne vais pas pouvoir... commençai-je.

Et à vrai dire, ça m'arrangeait. La courte présentation qu'elle m'avait faite de ce Paul n'était pas flatteuse et ne m'incitait pas à en connaître d'avantage sur lui.

-Oh non, si c'est pour rester rivée à ton canapé, ça ne marche pas! balaya-t-elle aussitôt d'un revers de la main.

-Même pas, réfutai-je.

Cette fois-ci, mon excuse était toute trouvée et justifiée. Inutile de me triturer la tête pour en inventer une.

-Mon cousin va bientôt arriver, poursuivis-je. Il me rend visite pour le week-end.

Bon, la durée, je n'en étais pas sûre. Mais peu importait. Il fallait aller à l'essentiel.

-Emmène-le! s'enthousiasma-t-elle. Plus on est de fou...

Elle m'énervait à avoir réponse à tout. A faire tomber mes excuses comme un vulgaire château de cartes.

-Enfin, ton Paul, dit-je un peu trop sarcastique. Il ne m'a même pas invitée. On ne va pas tout de même pas débarquer à trois à sa soirée.

-Oh que si! Tu sais, dans ce genre de truc, c'est à peine s'ils connaissent la moitié de ceux qui viennent. Je te jure, ça ne posera aucun problème. Et j'ai besoin de me changer les idées!

Camille était en train de tirer sur la corde sensible. Je ne pouvais pas lui en vouloir. Depuis que je la connaissais, elle s'était montrée attentive envers moi et mes états d'âme. C'était sûrement à mon tour de l'être envers elle. Je me demandais à quoi elle faisait référence quand elle parlait de se changer les idées. A tous les coups, il devait y avoir de l'eau dans le gaz avec Lionel. Ou peut-être des histoires de familles. Il y en a toujours. Et, j'étais bien placée pour le savoir.

-Ok, j'en parlerai à mon cousin.

En prononçant ces mots, j'étais assurée qu'il aurait dit oui. A mon grand regret. Je soupirais profondément.

-Il arrive quand? me questionna Camille en se laissant tomber sur le canapé.

-Il devrait être là d'une minute à l'autre, dis-je en consultant l'heure sur la box sous la télé. En fait, je croyais que c'était lui qui s'était acharné sur l'interphone!

-Eh... T'avais qu'à répondre! s'offusqua-t-elle. Et vu la tête que t'as, tu devais être en train de roupiller. Normal que tu aies mis autant de temps pour réagir.

Grillée. Je n'avais plus aucun secret pour elle. Enfin, façon de parler.

Je me frottais vigoureusement le visage pour effacer les stigmates de ma sieste et lui redonner des couleurs même si je savais que c'était inutile. Seul du maquillage pourrait effacer mon teint blafard et les poches sous mes yeux. En me rapprochant de Camille, je ne pus que constater que Camille avait retrouvé son goût des tenues sophistiquées et des allures soignées. Fini le laisser-aller de cette semaine, elle était de nouveau elle-même, à la pointe des tendances. Ses yeux vairons étaient somptueusement mis en valeur par un smoky eyes brun chatoyant. Elle portait une robe d'un bordeaux plutôt sombre, boutonnée à l'avant, qui aurait pu être sage avec ses manches longues, si elle n'avait pas été aussi courte. Elle disparaissait complètement sous son manteau long quand ce dernier était fermé.