83. Les jambes à son cou

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La bouche d'Elena se déforma en une moue désabusée. Elle fit demi-tour en m'adressant un regard dédaigneux. Je la jaugeai longuement. Son air fomenteur ne me disait rien qui vaille. Elle ne s'avouerait pas vaincue de si tôt. J'en étais convaincue.

Les propos de Sacha m'avaient touchée en plein coeur. Ils exprimaient toute sa frustration, mon incapacité à le contenter. J'entendais toute sa bienveillance que je ne savais que repousser. J'en tremblais. Il lâcha dans un souffle qu'il avait besoin d'une clope et m'invita à le suivre quelques minutes à l'extérieur. J'acceptai, soulagée de changer d'air.

La discothèque disposait d'un patio extérieur agrémenté de plantes et de quelques tables et chaises. L'air extérieur n'y était pas plus respirable, avec ce mélange de sueur et de cigarette, mais il me permettait de reprendre mon souffle. A peine avait-il foulé du pied la terrasse que Sacha avait fait crépiter son briquet et allumé une cigarette. Il inspirait profondément ses bouffées avant d'en expirer lentement la fumée. De son autre main, il se frottait nerveusement l'arrière du crâne. Son stress accentuait le mien. J'aurais dû trouvé les mots pour le rassurer, pour l'assurer de mon désir, que c'était une question de temps Au lieu de ça, je restais mutique, incapable de sortir un son. Je me détestais de ne pas réussir à le satisfaire, lui qui se montrait si attentionné. Je redoutais tout moment d'intimité et pourtant, je ne vivais que pour ces moments où nous étions seuls. J'avais beau humer l'air, je suffoquai. Sacha posa sa main sur mon omoplate et ce toucher me fit revenir à la réalité. Je luttai contre moi-même pour lui offrir un sourire.

Il écrasa sa cigarette sur sol.

-Allez, viens, on rentre, annonça-t-il d'un ton neutre.

Ma gorge se noua.

Lorsque nous franchîmes le seuil, je clignai des yeux. Les lumières s'étaient rallumées et annonçaient la fin de la soirée. La musique avait laissé place aux éclats de voix et aux rires avinés. Les tables se désertaient hormis celles où nous étions jusque là installés. Elena et consorts faisaient de la résistance. A mon grand regret, aucun ne semblait fatigué et tous votèrent pour poursuivre la soirée. Tous sauf moi. Lorsque l'un décréta qu'il était inenvisageable de terminer la soirée sans un after digne de ce nom, Elena supplia Sacha de les accueillir chez lui.

Ton appart est l'endroit parfait pour une after, avec la vue, l'espace... En plus, on peut tous y aller à pied. Pas besoin de taxi! argua-t-elle sans ménagement.

Sacha fut pressé par le groupe d'accepter. Et il céda.

La douzaine de fêtards réfractaires au sommeil avait donc envahi l'appart dans lequel j'aurais souhaité trouver refuge. Ils buvaient, dansaient, fumaient des joints et tout ça sous l'oeil indulgent de M. Lazare qui s'était réfugié sur la terrasse. Une musique lounge hypnotisante recouvrait à peine les discussions et les analyses diverses sur le monde d'aujourd'hui. La lumière tamisée anonymisait les visages. Je les écoutais distraitement en buvant mon verre d'eau adossée au comptoir de la cuisine. Je n'en oubliais pas de surveiller de loin cette peste d'Elena dont les rires hystériques perçaient par intervalle la monotonie des conversations.

La fatigue pesait sur mes paupières. Sacha se planta devant moi les yeux vitreux. Il plaqua ses mains sur mes hanches et m'attira contre lui. Son haleine était chargée d'un mélange d'alcool et de menthe. Il avait beaucoup trop bu; je me demandai comment il parvenait à tenir encore sur ses jambes.

-Ma belle, j'ai envie de toi. Je ne tiens plus, me pressa-t-il avec une élocution approximative. Ca te dit pas que

Ses lèvres gourmandes qui mordillaient et léchaient mon cou ne laissaient aucun doute sur ses intentions.

Une nuit et un jourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant