36. Bonjour

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Un bruit lancinant parvenait à mes oreilles, m'extirpant peu à peu des mes rêves. Je retrouvais mes esprits au bout de quelques minutes de cette musique indéfinissable. J'essayai d'associer ces bruits incessants à des sons que je connaissais afin d'en identifier la source. En vain.

L'obscurité avait désormais laissé place à une luminosité timide. Les voilages des fenêtres laissaient entrevoir un ciel nuageux. Sacha dormait paisiblement. Les traits de son visage étaient détendus. Il était attendrissant comme ça, couché sur le ventre une main sur les couvertures juste au-dessus de mes hanches. Je réfléchissais au meilleur moyen de me lever sans perturber la tranquillité de son sommeil.

Soudain, un bruit de verre cassé se fit entendre avec fracas et des voix masculines lui répondirent en échos. J'en sursautai et m'assis brusquement sur le lit, tendant l'oreille. Sacha bougea dans le lit à son tour pour changer de position .

- T'inquiète, c'est l'équipe de nettoyage, ronchonna-t-il en se retournant de l'autre côté pour plonger la tête dans son oreiller. C'est rien. Dors.

L'équipe de nettoyage. Je me rappelai maintenant qu'il m'en avait parlé la veille. Et il était vrai que le rez-de-chaussée en avait indéniablement besoin. Pourtant, la fatigue m'aurait volontiers clouée au lit toute la matinée, voire toute la journée. Et je n'aurais pas résisté. Malheureusement, avec tout ce bruit, cette grasse matinée semblait compromise.

Malgré tous les événements de cette nuit et ce réveil tapageur, je me sentais bien ce matin. Ici dans cette maison, dans ce lit, avec Sacha. Même si c'était dur de me l'avouer, même si je ne le comprenais pas. C'était une sensation que je ne maîtrisais pas et qui, tout de suite, me donnait envie de sourire. Si quelqu'un m'avait dit, il y a une semaine, que je me réveillerai un matin de bonne humeur, je ne l'aurais pas cru.

Cette sérénité matinale m'était devenue étrangère depuis trop longtemps. J'orientai ma tête vers ma droite pour regarder Sacha reprendre son souffle lent. J'aurais bien voulu rester un peu plus longtemps lovée dans les draps pour apprécier ce moment jusqu'au bout mais un besoin impérieux faisait la sourde oreille à mon envie de me prélasser.

Comme si je devais faire le moins de bruit possible pour ne pas me faire repérer, je levai lentement un coin de la couverture, pivotai doucement mon corps avant de poser un orteil au sol, puis la pointe, et enfin le pied en entier. Je m'apprêtai à faire de même avec le second mais mon mouvement fut vite interrompu.

- Vu! gronda-t-il moqueur.

Je me figeai immédiatement avant de rigoler de ma réaction.

- Tu vas où? me questionna-t-il.

Sacha était allongé sur le côté son coude plié sous la tête. Il me toisait de ses yeux mi-clos.

- Pipi.

- Très classe ta réponse.

Les lèvres pincées, je levai les yeux en l'air en haussant les épaules. Ce n'était pas ma faute. Mes parents m'avaient élevés ainsi, appelant un chat un chat, faisant fi des convenances trop envahissantes. C'étaient des gens simples, ce qui ne voulait pas dire beaufs ou limités intellectuellement, mais qui communiquaient simplement les choses, les délestant de tout l'enrobage dont les biens pensants aimaient les envelopper. Cette courte référence à mes parents me rappela qu'il y avait bien longtemps que je ne les avais pas appelés. Il faudrait que je les appelle d'ici la fin du week-end pour éviter qu'ils ne s'inquiètent et débarquent à l'appartement sans prévenir.

Je marchai vers la salle de bain jouxtant la chambre pour me soulager. Que devais-je faire maintenant? Etais-je censée me recoucher auprès de Sacha? Devais-je m'éclipser poliment? Je n'avais plus vraiment d'excuse pour m'attarder ici. Mon état d'esprit étant plus serein, du moins à ce moment précis, ce serait peut-être plus judicieux que je rassemble mes affaires, que je m'habille et que je rentre chez moi. Bon, dans l'équation un détail avait son importance: je ne pourrais sûrement pas m'éclipser discrètement étant donné que j'étais venue dans la voiture de Sacha et que rentrer à pieds n'était clairement pas envisageable. Peut-être, y avait-il une ligne de bus non loin? Nous étions tout de même dans une zone résidentielle.

Une nuit et un jourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant