Une nuit et un jour

28. D'aventure...

-Quoi?

Décidément, cette syllabe allait devenir mon mot fétiche avec Sacha. Il était complètement imprévisible et ne répondait à aucune de mes logiques. Au moment où je pensai qu'il avait disparu pour de bon, il était réapparu déterminé, mes affaires en main, à m'emmener je ne savais où.

-Mets ton manteau, on se casse, m'intima-t-il fermement en me tendant mon manteau

-Non.

-Arrête, on est vendredi soir!

Il m'avait dit ça comme si c'était le meilleur argument pour me convaincre de le suivre.

-Et alors?

-Tu vas pas rester ici comme une mormone!!

Je continuais à ranger dans le réfrigérateur les restes des boites de sushis, ravalant l'irritation qu'engendraient ces multiples injonctions. Que croyait-il? Que j'allais obtempérer à chacun de ses commandements? Et puis quoi encore? Pour autant, je voulais éviter une confrontation avec lui ce soir. J'avais eu mon lot aujourd'hui et j'aspirai à une soirée calme. Bon certes, elle serait à coup sûr ennuyeuse au possible mais sereine. Aucun désagrément à risquer dans son canapé. Juste de la tranquillité. J'optai pour l'apaisement.

-Franchement Sacha, c'est sympa de te préoccuper de moi mais je t'assure j'ai pas envie de sortir, lui dis-je doucement. Je vais rester tranquillement ici, me regarder un film et...

-A d'autres, tu vas passer ta soirée à chialer, rien de plus!

Sa remarque me fit l'effet d'un coup de massue. Je ne m'attendais pas à ce type de réplique, à tout mais pas à ça. Les larmes montèrent d'emblée et affleurèrent aux coins de mes yeux. Ma respiration se bloqua. Ma tête commença à tournoyer. Je ne savais plus quoi dire ni penser. Il avait assurément vu juste et cette douloureuse prise de conscience me frappa de plein fouet.

De sa main libre, Sacha engloba ma tête pour la blottir contre son torse et d'une voix moins assurée me souffla :

-Vas-y, chiale pas, tu vas encore avoir les joues toutes poisseuses. Viens on se tire!

Ça y était. Mes larmes coulaient abondamment sur sa chemise. Je hoquetai entre deux pleurs. Sacha lâcha mon manteau sur un des tabourets, et pris mon visage entre ses mains me forçant à le regarder. Son visage était doux, ses yeux pénétrants, un léger sourire gêné sur les lèvres.

-Tu ne bouges pas, je reviens, me susurra-t-il.

Il fit volte-face vers ma chambre. Je restai immobile, comme statufiée par ses mots, et le regardai entrer dans ma chambre. Des bruits de tiroirs qui s'ouvraient, de portes qui glissaient se firent entendre. Je ne bougeai pas le petit doigt pour le stopper. Je n'avais pas la moindre idée de ce qu'il était en train de faire mais je le laissai faire. J'étais encore sous le choc de sa lucidité sur mes états d'âme. Cette lucidité que je me refusai de peur de m'effondrer sans pouvoir cette fois-ci me relever. Mes yeux me faisaient mal d'avoir déversé trop de larmes. Mon corps tressautait à force de chercher à les retenir.

Après quelques minutes passées seul dans ma chambre, Sacha en sortit avec un de mes grands sacs de voyage en tissu vinyle souple et le posa à côté de la porte. Il se dirigea ensuite dans la salle de bain et en ressortit avec une trousse de toilette. J'assistai à la scène comme si je n'y appartenais pas, incapable de tout esprit critique.

-C'est la tienne?

J'acquiesçai d'un mouvement de la tête à peine perceptible. Il fourra la trousse dans le sac et referma la fermeture éclair.

-Enfile ta veste, on y va.

Sa voix rauque fut cette fois-ci tout en délicatesse. J'enfilai mon manteau, récupérai mes chaussures. Chargé de mon sac, Sacha attendait déjà à la porte d'entrée, les clés prêtes à verrouiller l'appartement. Une fois mon sac à bandoulière sur l'épaule, je sortis du logement et descendis les étages, aussitôt rattrapée par Sacha qui me précéda rapidement pour tirer la porte d'en bas à mon passage. Je ne prononçai aucun mot, lui non plus. Je marchai la tête basse, encore chamboulée par les émotions pénibles qui s'étaient rappelées à moi massivement lorsque Sacha les avaient brutalement évoquées.