54. En dessus-dessous

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-Sois franche! exigea Camille. Tu trouves ça comment?

-Comment?

Canon!

Sur Camille, tout me semblait canon. Cette robe vaporeuse à manches longues, bien que jaune -erk!-, était tout simplement divine sur elle. Tout comme la veste bleu gris, le pull en laine crème, le jean noir qui-fait-un-cul-d'enfer et le collier ethnique multicolore achetés précédemment. Les paquets s'accumulaient à mes pieds au fur et à mesure du temps qui s'écoulait. Je n'en revenais pas du nombre d'achats que Camille effectuait sans se soucier des montants débités sur sa carte de crédits, ou plutôt ses cartes devrais-je dire. Elle aimait, elle prenait. Tout simplement. Son budget semblait illimité. Cette facilité me rendait envieuse.

Deux heures que nous écumions les boutiques. Rien à voir avec les grandes enseignes dont j'étais familière, il s'agissait de boutiques de vêtements et d'accessoires dont les adresses restaient confidentielles. Seules les fashionistas s'aventuraient dans ces impasses éloignées des grandes artères ou au deuxième étage d'immeubles qui n'affichaient sur leur façade aucune enseigne. Sur les portants n'étaient exposés que le collections de jeunes créateurs en vue, mais encore abordables, selon les dires de Camille. Je n'avais pas de références en la matière; la mode était un monde qui m'était totalement inconnu. Je la crus donc sur parole. Par contre, pour ce qui était des prix qui s'affichaient sur les étiquettes, nous n'étions clairement pas d'accord sur la définition d'abordable. Et dire qu'avec mon budget courses du mois, je ne pouvais même pas m'offrir un pull!

-T'es superbe! la complimentai-je encore une fois.

Notre expédition shopping avait un goût de Pretty woman revisité. Je jouais un Richard Gere fauché qui se contentait de guetter les apparitions de Julia Roberts, alias Camille, à chaque fois parée d'une tenue différente.

-Vrai? C'est pas trop court? insista-t-elle en tirant sur le bas de la robe.

Comment pouvait-elle douter de sa beauté? Bordel! A moins qu'elle n'eut besoin d'être flattée, je ne comprenais pas ce besoin constant d'avoir mon approbation sur ses essayages. Comment ne pouvait-elle pas se rendre compte des regards qu'elle pouvait susciter dans la rue? Moins même, je ne pouvais pas ignorer les hommes qui se retournaient sur son passage, plus ou moins discrètement.

-Non, c'est parfait! Plus court, j'dis pas mais là, t'es démente avec cette robe. Lionel va adorer!

-Cool!

Un sourire irradiant son visage, Camille fit demi-tour et referma le rideau de la cabine d'essayage pour en ressortir quelques minutes plus tard, la robe sur le bras. Le shopping lui avait redonné des couleurs et balayé son humeur morose.

-Bon, Ana, c'est à ton tour maintenant! Et hors de question que tu te défiles!! T'as encore rien essayé!

Non pas que je n'avais besoin de rien. Ma penderie ne ressemblait plus à rien. J'avais délaissé tous les vêtements trop voyants, trop colorés, trop près du corps, ceux qui m'enserraient trop et me comprimaient. Il me restait bien sûr mes slims que je portais encore. Par contre, jamais sans mes pulls ou mes vieux tee-shirts amples. Je n'avais pas eu les moyens de renouveler ma garde robe et voulu attirer l'attention sur un changement de tenue trop radical. Mais, pour être honnête, mon style vestimentaire était plutôt en mode camoufflage.

-Ne regarde pas les prix! Profites-en aujourd'hui, j'ai bon coeur, s'exclama-t-elle la main posée justement sur le coeur.

-C'est vraiment sympa de ta part... la remerciai-je. Mais j'ai vraiment pas envie d'essayer quoique ce soit...

Et devoir faire face à mon reflet dans une glace.

-Je te le redis, y a pas moyen que tu te défiles ce coup-ci! J'vais te trouver des trucs et je t'assure que tu vas les essayer! m'annonça-t-elle catégorique.

Une nuit et un jourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant