9. L'instant d'après.

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Le temps s'était brutalement arrêté comme brisé. Les graviers s'enfonçaient dans mon dos. Des larmes perlaient sur mes tempes sans que je puisse pleurer. Le vent glissait sous ma robe et caressait ma peau dénudée. Le froid ne me parvenait plus. Mon corps ne le traitait plus. Mes yeux fixaient le ciel mais je ne voyais plus rien. Les minutes étaient des secondes et les secondes des minutes. Mon corps entier était endolori. Chaque mouvement enclenchait des douleurs insoutenable. Je pivotai sur le côté et m'appuyai d'une main sans force sur le sol afin de pouvoir me redresser. Ma mâchoire semblait être en miettes. Mon bas ventre écorché de part en part me brûlait. Je restais silencieuse. J'aurais dû crier, hurler, appeler à l'aide. Pourtant aucun mot n'était sorti. Allongée sur le sol froid entre deux voitures, j'essayai d'analyser ce qui venait de se passer. Qu'est-ce que je faisais là? Avais-je rêvé? Ce n'était pas possible, ce ne pouvait pas être la réalité. Était-ce l'alcool qui m'avait fait chuter?

Je posai une main sur mon ventre que ma robe ne couvrait plus. Je continuai vers mon bas-ventre. Ce n'était pas un rêve mais un putain de cauchemar. Je glissai mes mains le long de mes jambes à la recherche de ma culotte. Je la saisis en même temps que mon collant, que je remontais tant bien que mal. J'étais toujours toujours saoule. Je voulais juste renier ce qui s'était passé dans la pénombre de ce coin du parking. Je me relevai en m'aidant des voitures. J'entendis des pas sur les graviers se rapprocher. Les battements de mon cœur bondirent d'un seul coup. Non, ça ne pouvait pas recommencer. Non je n'aurais pas pu...

-Eh désolée Ana, j'ai mis plus de temps que prévu...

Je reconnus la voix d'Elise. Les battements de mon cœur ne s'atténuèrent pas, je ne voulais voir personne, pas ici, pas maintenant, je voulais disparaître. Mon corps courbé était encore dissimulé par les carrosseries des véhicules alignés. 

 -...mais j'ai eu du mal à retrouver Mathias, continuait-elle en arrivant pratiquement à ma hauteur. Tu sais où il était ce Don Juan vautrait dans les canapés avec Marie. Tu te rends compte Marie et Mathias...

Elle arriva près de moi. Encore courbée et la tête penchée, je ne  voyais que ses pieds qui s'étaient arrêtés net à un bon mètre de moi. Je sentis son corps se figer. Elle ne bougeait plus. Je sentais son regard me toiser. Avait-elle remarqué mes collants déchirés, mes cheveux emmêlés? Ma mâchoire était-elle visiblement broyée?Je n'osai pas lever les yeux et croiser son regard. Je me sens sale, humiliée.

- Qu'est-ce que... balbutia Elise interdite. 

Elle, non plus, n'avait plus la notion du temps. Sortant de sa léthargie, elle s'approcha de moi prudemment comme si j'étais une lionne prête à bondir pour lui sauter à la gorge. Elle tendis une main hésitante dans ma direction qu'elle vint poser sur mon épaule.

- Ça... ça va? marmonna-t-elle.

Je tournais le visage et découvrit ses yeux écarquillés pointés vers moi. A ma vue, elle se décomposa me renvoyant mon propre effroi. Elle prit mon visage délicatement entre ses mains. Je gémis tant ma mâchoire se brisait  à son contact.

- Bon sang, qu'est-ce qui t'es arrivée Ana? m'interrogea-t-elle ses yeux s'humidifiant.

Je compris, dès lors, que le coup qui avait percuté mon visage m'avait salement amochée. Afin de réaliser l'ampleur des dégâts, je passai une main tremblotante sur mon visage et à hauteur de mon, je sentis sous mes doigts une substance visqueuse et chaude. Je baissai les yeux pour découvrir un liquide rouge avec une odeur métallique: du sang.

- Tu saignes Ana, co... comment... bégayait-elle. Comment... Mais bordel qu'est-ce qui s'est passé?

Je ne pouvais pas lui répondre, tétanisée par une peur que je ne maîtrisai pas. Je ne comprenais pas moi-même ce qui était réellement advenu. Mon cerveau court-circuité par la violence du coup. L'effroi avait grillé tous mes neurones, paralysé toutes mes facultés de raisonnement et de compréhension. J'étais comme spectatrice de l'agitation grandissante d'Elise. Je l'observais parler, je l'entendais même, mais je ne comprenais pas les paroles qu'elle prononçait. Sa voix résonnait dans ma tête sans que ses mots m'accrochent. Elise persistait à sonder mes yeux dans l'espoir d'avoir une réponse à sa question, dans l'attente que je contredise les hypothèses qui lui étaient venues spontanément à l'esprit. Toujours ses yeux enfouis dans les miens, elle m'agrippa dans ses bras, me maintenant contre elle; son corps tremblait, le mien flanchait.

Une nuit et un jourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant