40. Un instant d'éternité

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A ce moment précis, je me demandai sérieusement si suivre Sacha dans cette aventure avait été vraiment la meilleure des idées que j'avais eu. Des perles de sueur ruisselaient sur mon front et le long de ma nuque. Le type, aux cheveux décolorés et la peau burinée par le soleil, avait eu beau me répéter que le temps clair et sans vent constituait les meilleures conditions possibles pour une telle expérience, je n'en étais pas rassuréE pour autant. Comment le pouvais-je? Qu'est-ce qui avait fait que je me retrouvai au bord du précipice? Comment Sacha avait-il fait pour me persuader de franchir le pas? Putain, putain, putain, je ne pouvais pas, je ne pourrais pas...

Quel con de m'avoir emmener jusque là! fulminai-je intérieurement.

Tu parlais d'une aventure! Une torture, une mise à mort oui!!! Si j'avais connu la réalité de la destination préalablement, jamais je ne me serai embarquée là-dedans. J'allais mourir, putain j'allais mourir! Je ne pouvais pas. Non, non, je ne pouvais pas. Je pouvais toujours reculer. Je n'aurais pas été lâche d'abandonner. Pleins de gens ne le faisaient pas et ne le feraient jamais et ils ne vivaient pas moins bien pour autant. Bordel....

- Je sais que tu peux le faire... murmurait calmement Sacha derrière moi.

Tu parles que je peux...

- Je l'ai fait, je ne suis pas mort.

Super comme réconfort de m'enfoncer encore plus ces idées de mort dans le crâne.

- Ana, j't'assure tu vas kiffer.

Quand j'me serai écrasé la tête en contrebas?

- Plus tu réfléchis, plus ce sera dur!

Je peux écrire mes dernières volontés d'abord? Quelqu'un a un papier et un crayon?

- Respire lentement, me conseilla le type toujours à mes côtés. On a tout notre temps...

Ce type qui avait attaché cet engin de torture sur mes chevilles avait ma vie entre ses mains. Est-ce qu'il s'en rendait compte au moins? C'était quand même un putain de job sadique de pousser les gens dans le vide. Il ne devait pas être bien net lui non plus. Et s'il lui venait à l'esprit de passer à un cran au-dessus, et de concrétiser finalement ses penchants criminels, est-ce que je serais sa première victime?

- Tu vas avancer tranquillement, me dirigea-t-il d'une voix que j'imaginai d'outre-tombe, mes derniers instants étant venus. Ne bloque pas ta respiration.

Evidemment. Trop facile quand on se rapproche de sa propre mort!

- Respire...

Je m'efforçais à retrouver une respiration efficiente pour calmer mes nerfs qui étaient sur le point de rompre.

- C'est bien comme ça, m'encouragea-t-il.

Je te déteste mec, criai-je mentalement. Je vous déteste tous. Je te hais Sacha.

- Vas-y...

Le type, dont c'était la dernière fois que je croiserai son regard à l'évidence, me pressa de faire les derniers pas qui scelleraient mon destin.

- Tu y vas quand t'es prête.

Ah ouais? Il y en a qui réussisse à être prêt, sérieux?

Je fermai les yeux, pris une longue inspiration. Mon coeur faillit lâcher sur le champ sous l'effet de l'adrénaline. J'allais faire un arrêt cardiaque avant même de m'élancer, le comble! Tant qu'à ce que se fut mon dernier souffle, ma dernière vision, je voulus la regarder en face. J'ouvris les yeux et sautai dans le vide.

Une nuit et un jourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant