Une nuit et un jour

80. Le Bon plan

Après de longs mois d'absence qui pourraient même se compter en années, pas facile de se replonger dans l'histoire d'Ana et de Sacha. Je vais tâcher de faire au mieux pour ne pas trahir mes personnages. N'hésitez pas à me dire si vous ne les retrouvez pas tels que vous les avez quittés.

Sacha et son père étaient partis depuis deux bonnes heures. Après avoir arpenté l'appartement en large et en travers, j'avais besoin de prendre l'air. Avant de partir, Sacha m'avait laissée un double des clés au cas où j'aurais besoin de m'échapper de ces murs. Quelle perspicacité! J'étouffais. L'attente était beaucoup trop longue. Regarder la télé? Fait. Ecouter de la musique? Fait. Danser seule la musique à fond devant le miroir de la salle de bain? Fait. L'ennui était tel que j'avais même failli appeler mes parents.

J'avais pris mon téléphone et m'étais assise sur le lit avant d'être freinée dans mon élan. Pour leur dire quoi? Je n'aurais pas pu leur dire d'où je les appelais. Passer la frontière sans leur avoir demandé leur autorisation? Je risquais la répudiation! Surtout que j'étais censée être à la fac. Et après la rencontre inopinée avec Sacha, plutôt me jeter directement d'un pont! Et j'aurais en plus dû encore subir leurs assauts à coups de : "Pourquoi tu n'appelles pas Elise?" et le fameux "pauvre Guillaume qui n'a plus de tes nouvelles". S'ils savaient Je me refusais qu'ils le sachent. Pourtant, mes parents me manquaient désespérément... Autant qu'ils m'insupportaient. C'étaient mes parents. Tout simplement.

J'avais fait défiler les numéros sur l'écran de mon téléphone sans vraiment les voir. Hors de question d'appeler Sacha et risquer de le déranger en plein rendez-vous pro. Et Camille? Sans vraiment y réfléchir, j'avais fait glisser mon doigt sur l'écran.

-Tiens une revenante! m'avait-elle saluée au bout d'une sonnerie seulement.

-Salut, fus-je pris de cours.

-T'étais bloquée dans un monde parallèlle? Vas-y balance ton excuse...

-Drapeau blanc, je suis en Suisse.

-Ah... Ah... Très drôle. Non, sans déc, tu boycottes la fac...

Je n'avais pas revu Camille depuis vendredi quand on l'avait raccompagnée chez elle après la scène avec Lionel. Je m'étais ensuite contentée de la tenir au courant de ma fracture par sms et de m'assurer que tout allait bien pour elle de son côté. Elle m'avait vaguement rassurée; elle ne serait pas seule ce week-end et elle se tiendrait à bonne distance de connard. De toute façon, elle savait qu'elle aurait pu m'appeler au moindre souci. Et puis, on était censées se revoir le lundi suivant.

-... et personne en cours lundi! Et la même aujourd'hui... Enfin je n'en ai rien à carrer que tu sèches encore mais zéro nouvelle, me reprocha-t-elle agacée. T'as été enlevée par des aliens? Les Galeries Lafayette font des ventes privées ? Ou non, je sais! Tu t'es inscrite à un séminaire pour devenir riche en 2 jours? Alors? Balance, c'est quoi ton excuse pourrie?

-J'te l'ai dit, je suis vrai-ment en Suisse, insistai-je. A Genève.

-Mouais... Jure.

-J'te l'jure.

-Qu'est-ce que tu fous là-bas?

-C'est Sacha...

-Vous êtes en mode Love Trip?

-Quoi?

-Champagne, fraises et sexe à gogo?

-Y a son père.

-Oh merde. Donc, tisanes, raclette et scrabble à volonté?

J'éclatai de rire. Camille n'avait pas son pareil pour me changer les idées.