65. Au risque d'éteindre la lumière

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Merci Jonas!

Le visage de Sacha s'était fermé brutalement. Sa mâchoire s'était contractée un peu plus à chaque mot prononcé. Est-ce que Jonas avait remarqué le froid glacial que ses paroles avaient soufflé entre nous? A son air ébahi, je devinai que son esprit alcoolisé ne pouvait pas avoir pleinement conscience de leur impact.

Je sentais que les yeux de Sacha se décrochaient de moi. Je ne savais pas comment les rattraper avant qu'ils ne se détachent complètement. J'avais besoin de ranimer cette lueur qui étincelait, il y avait quelques secondes à peine. Ca faisait déjà plusieurs jours que j'en étais privée, je ne supporterais pas qu'elle s'éteigne. Et moi avec. J'en avais tellement besoin. J'avais besoin que sa lumière m'éclaire et perce l'obscurité dans laquelle je sombrais.

Ne t'éteins pas. Ne me laisse pas dans le noir.

Ses yeux me fuyaient tandis que les miens les pourchassaient.

Ne te détourne pas de moi. Ce n'est qu'un stupide malentendu!

Les mots s'étranglaient dans ma gorge. Pourquoi ne parvenais-je pas à prononcer ces simples mots?

Regarde moi! Tout ça, ce ne sont que des conneries! Putain, c'est mon cousin!

Et ce silence oppressant que rien ne troublait, à part les battements de coeur dans ma poitrine. J'aurais voulu qu'il puisse lire dans mes entrailles à quel point il s'était immiscé dans les moindres recoins de mon corps. Il aurait vu qu'il n'y avait de place pour personne d'autre. Seul lui était parvenu à s'implanter en moi, malgré la forteresse que j'avais érigée pour décourager les quelques imprudents. J'aurais voulu qu'il puisse y lire tout ça, sans avoir besoin de mots pour comprendre qu'il faisait fausse route. Mais, il restait aveugle à moi.

Dis quelque chose Ana, bordel!!! Tu le perds!

Le vide. Ou le trop plein. Les mots s'enchainèrent, se mélangèrent, se perdirent. Ma tête grouillait de confusion. Sacha pivotait. La scène parut se jouer au ralenti. Sa tête, ses épaules, ses hanches. Il partait.

-Ce n'est pas ce que tu crois! brandis-je, bêtement.

Pensai-je vraiment le convaincre comme ça?

Sacha s'interrompit dans son mouvement pour revenir vers moi. Son visage refléta sa stupéfaction. Et un sourire tordu par la colère se dessina sur ses lèvres. Il me paralysa. Plus aucun mot ne pourrait sortir de ma bouche.

-Y a un problème Ana? intervint aussitôt Jonas de sa voix pâteuse.

L'expression de Jonas se fit tout d'un coup plus menaçante. La question ne m'était pas vraiment adressée. Jonas riva ses yeux sur Sacha. La tension entre eux était palpable et la mienne bondit. Sacha se redressa pour faire face à Jonas et enfonça ses yeux dans les siens. Ils se défiaient. Je les observai se toiser avec hostilité, jaugeant les forces et faiblesses de l'autre. Je me demandai jusqu'où ils pourraient aller. Je flippai qu'ils en viennent aux mains. J'avais vu la violence de Sacha s'exprimer et je savais que Jonas avait les moyens d'y répondre. Je craignais l'issue de ce face à face, si la situation dégénérait.

-Non, mec, aucun problème, siffla Sacha entre ses dents sans détacher ses yeux de Jonas. Tout est clair.

Il m'adressa un regard chargé de désillusions et de... dégoût. Je lus du dégoût dans ses yeux. Un poignard vint se planter droit dans mon coeur.

-J'ai mieux à faire, décréta-t-il froidement.

La lame s'enfonça plus profondément jusqu'à arrêter les battements de mon coeur. Le sang n'affluait plus dans mon cerveau. Mes neurones stoppèrent leur activité. Encéphalogramme plat. Je le vis tourner les talons. Sacha partit. Pourquoi ne l'avais-je pas retenu? Pourquoi n'avais-je rien fait? Pourquoi ne lui avais-je pas couru après? Pour quoi faire? Me justifier? Je n'étais coupable de rien. Hormis de mes silences. S'il avait regardé au plus profond de mon âme, il aurait su qu'il ne pouvait y avoir que lui. Ne fallait-il pas simplement, le laisser se tromper? Se leurrer sur moi et lui éviter d'aller voir un peu plus loin. Pour lui. Pour moi.

Une nuit et un jourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant