Une nuit et un jour

23. Savoir s'incruster tout en délicatesse

Je n'en revenais pas. A croire que c'était lui qui vivait ici et qui m'invitait à prendre un verre chez lui, en fouillant dans mon frigo. Ok, c'était un frigo qu'on partageait à deux et ce n'étaient pas mes bières mais quand même! Il ne comptait pas s'installer pour la nuit, bien que cette dernière était plus qu'avancée. Elle arrivait d'ailleurs à son terme. Les 4 heures du matin étaient déjà passées.

- Non merci, refusai-je fermement. Il est tard et j'ai cours demain!

- C'est comme ça que tu me remercies de t'avoir ramener chez toi, me dit-il avec un rictus moqueur. Les remerciements chez toi sont vraiment très brefs.

Ne prêtant que peu d'attention à ma fatigue, Sacha enleva sa veste noire, s'installa sur le canapé et posa ses chaussures sur la table basse. J'étais sidérée de voir qu'il ne prenait pas en compte ma remarque. Il attrapa la télécommande et alluma la télévision. Après avoir fait tombé la télécommande sur le canapé, il décapsula sa bière avec le briquet et en pris une longue gorgée. Pourtant placée en face de lui, il m'ignorait totalement.

- Sincèrement, je te remercie mais comme je te disais, j'ai cours dans quelques heures et je dois vraiment dormir le peu d'heures qu'il me reste. T'as pas cours toi?

- Non, me soupira-t-il sans décrocher des chaînes qui défilaient sur le poste. Je ne te retiens pas, tu peux aller dormir. Mais si j'étais toi, je me résoudrai à ne pas me coucher et je viendrai boire une bière.

Il reprit une gorgée et délaissa quelques instants l'écran pour me toiser de haut en bas. Je n'avais pas bougé d'un centimètre depuis qu'il s'était installé.

- Alors tu fais quoi? Tu vas te coucher ou tu t'installes avec moi?

Carrément!

- J'attends que t'aies fini ta bière pour fermer la porte derrière toi, annonçai-je en croisant les bras.

- Tu risques d'attendre alors!

Quoi? Comment ça, j'allais attendre? Je scrutai son visage dans l'espoir de percevoir une expression m'indiquant qu'il faisait de l'humour. En vain.

- Je vais rester dormir ici, m'informa-t-il le plus normalement possible.

Il me fit de nouveau face et continua:

- Vu la teuf chez moi, ce sera impossible d'aller se pieuter avant cet aprèm' et franchement, je n'ai ni l'envie ni le courage d'y retourner.

- Et...

- Et... Tu veux que je te réveilles tout à l'heure?

Sidérée, le mot était faible. Abasourdie par les aises qu'il prenait. Je me demandai si, avant que j'emménage, il avait l'habitude de venir squatter ici. Est-ce que la colocataire précédente restait de marbre face à ce type d'incursion? J'en restait bouche bée.

- Tu peux aller te coucher tranquille, je vais pas te violer! tenta-t-il de me rassurer maladroitement.

Ce trait d'humour me donna le vertige. Est-ce qu'il perçut la pâleur de mon visage ou décela-t-il le dramatique effet que sa remarque avait eu sur moi? En tout cas, il se leva et s'approcha de moi, la main ouverte vers moi. Je ne pus m'empêcher de faire un pas en arrière.

- Oh, m'adressa-t-il en plongeant ses yeux dans les miens. J'plaisante pas, t'as rien à craindre de moi.

Après un silence assourdissant, il reprit sur un ton plus enjoué:

- Je crois qu'on a squeezé des étapes.

Il se redressa à une distance respectueuse de moi.

- Moi, c'est Sacha, se présenta-t-il en me tendant la main.