Une nuit et un jour

27. Pour être clair

Pourquoi irai-je chez lui? D'abord, je n'avais strictement rien à y faire. Et puis, cette façon de m'imposer, comme si de rien n'était, ce que j'étais censée faire me déplaisait fortement. Dans sa logique, je n'avais rien à redire. Or, si. Je n'avais pas envie de lui donner l'impression d'être quelqu'un de docile et de malléable. Je ne l'avais jamais été, même si je pouvais parfois le refléter, et ce n'était pas maintenant que je le serai.

-Ben ouais, faut que j'aille vérifier dans quel état se trouve ma baraque, dit-il comme si c'était une évidence qu'il était inutile de préciser. J'espère qu'ils ne me l'ont pas ravagé comme la dernière fois...

Son visage s'était fermé à l'évocation de cette mésaventure, il était visiblement tracassé. Ce qui paraissait tout à fait normal. Pour ma part, jamais je n'aurais organisé une fête d'une telle ampleur chez moi, si j'avais eu un vrai chez moi évidemment et en plus capable d'accueillir autant de monde. Et j'aurais encore moins déserté la fête laissant mes invités investir ma maison comme bon leur semblait, au risque de la retrouver dans un état pitoyable. Je n'osai pas le questionner sur l'état dans lequel il avait découvert sa maison la fois précédente.

-Je comprends mais en quoi je te serais utile? l'interrogeai-je sans réellement espérer de réponse. Je vais plutôt rester ici ce soir.

Il alla se chercher une bière au frais, s'assit sur un tabouret en face de moi et commença à manger quelques sushis. Sans décoller ses yeux des différents mets exposés entre nous deux, il répliqua d'une voix pleine d'ironie:

-Ah ouais? Et tu vas faire quoi ce soir? T'endormir devant des reportages animaliers?

Il rigola ouvertement. Je lui poussai l'épaule d'un geste de la main pour faire cesser ces médisances. Il releva ses yeux marrons vers moi dessinant des plis sur son fronts et les plongea dans les miens. Mon coeur se mit à battre comme si je venais de courir un marathon.

-Et pourquoi? Ça embête qui que je m'endorme devant des reportages minables? dis-je en souriant tout en me saisissant d'un tabouret pour m'installer devant ce festin qu'il nous avait ramené.

-Moi.

L'interphone sonna bruyamment, me faisant une nouvelle fois sursauter. Je ne m'habituerai jamais à ces sonneries qui me rappelaient trop bruyamment qu'il y avait un extérieur à cet appartement. Sacha regarda sa montre.

-Le frangin, toujours à l'heure!

Il se jeta sur l'interphone poussa et pressa le bouton pour déverrouiller la porte d'entrée. Peu de temps après, Andrej fit son apparition dans le salon. Marine était toujours enfermée dans la salle de bain, à faire son grand ravalement de façade. Non pas qu'elle en avait réellement besoin, elle était loin d'être vilaine, bien que sa maigreur ne fut pas son meilleur atout, mais elle se maquillait beaucoup trop, me fis-je la réflexion.

Sans pouvoir les observer de la cuisine, j'entendis Andrej demander à son frère pourquoi il l'avait fait déplacer en urgence, qu'il avait quelque chose sur le feu et que "bon sang de bordel de merde" il ne comprenait pas ce que son frère faisait ici avec Marine. Sacha lui répondit quelque chose à voix basse dont je ne perçus que le mot "coloc", qui ne pouvait faire référence qu'à moi.

J'étais frustrée de ne pas avoir réussi à entendre la globalité de leurs échanges d'autant plus qu'ils avaient parlé de moi. Toutefois, il m'aurait été impossible de me rapprocher discrètement. Et en matière de discrétion, je n'étais pas au top. J'en avais fait la douloureuse expérience récemment.

En entendant les pas se rapprocher, je redoutai de me retrouver dans la même pièce qu'Andrej. Il fallait dire que nos rares entrevues n'avaient pas été des plus courtoises et il ne m'inspirait rien de bon. J'avais du mal à concevoir que Sacha soit son frère. Au fait, était-il bien son aîné comme je le supposais ou bien était-ce le contraire? J'en savais si peu sur Sacha et encore moins sur Andrej. A une différence près que j'étais curieuse d'en connaître plus sur Sacha.