53. Et après?

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Assises sur un muret de pierres qui faisait face à un parc arboré, nous regardions au loin de jeunes enfants courir en tout sens et grimper sur les structures colorées d'acier et de bois des aires de jeux, sous le regard émerveillé de leurs mères. Les cris de joie et d'excitation parvenaient à nos oreilles nous arrachant quelques sourires de temps à autres.

-Alors, c'est quoi cette histoire avec la soeur de Sacha?

-Aucune idée, lui répondis-je en toute sincérité.

Comment pourrais-je le savoir? Je n'avais eu aucun contact avec Sacha depuis le moment où il avait quitté mon appartement. J'avais toujours son numéro de portable. Note pour moi-même, il fallait que je pense à l'enregistrer; il pourrait m'être utile. J'aurais pu l'appeler pour lui demander des explications complémentaires mais je ne voulais pas initier un nouveau contact, ne sachant pas encore si cette relation naissante était une bonne chose ou non. Un peu de distance était évidemment nécessaire pour faire ce point.

-Il tisse sa toile, commenta Camille pensive me faisant instantanément revenir sur terre.

-J'en sais rien.

-Quand même... suggéra-t-elle suspicieuse. Pas un jour sans lui depuis que tu l'as croisé...

Elle me dépeignait un portrait bien sombre de Sacha, un séducteur sans scrupule qui tisserait sa toile. Comment se faisait-il que je ne voyais pas la même chose? Peut-être était-il réellement un séducteur? Il était incontestablement charmant et je ne doutais pas que ses yeux, son sourire et son corps avaient dû faire chavirer de nombreux curs ou au moins de nombreux corps dans son lit. Cette idée glaça le sang dans mes veines. Pour autant, je ne l'imaginais pas sans scrupules, insensible. Le peu que j'avais vu de lui, il ne s'était jamais départi d'un profond respect envers moi, respectant mes limites, mes humeurs changeantes, sans profiter des situations dans lesquelles j'avais été particulièrement imprudente. Avec le recul, je m'en étais voulu de ne pas avoir été plus méfiante avec lui. Même s'il ne m'était rien arrivé. Pour l'instant ne put s'empêcher d'ajouter ma conscience.

-Qu'est-ce que tu vas faire quand sa frangine va appeler ? continua-t-elle.

-Répondre.

-Ouais... éclata-t-elle de rire en secouant sa tête pour souligner la logique implacable dont je faisais preuve. Pour te faire parler toi!

J'esquissai un sourire pour confirmer que je n'étais pas la fille la plus encline à me dévoiler. Mais, j'avais mes raisons aussi.

Camille sortit une cigarette qu'elle alluma sans attendre, avant de m'en proposer une. Je l'en remerciai mais je n'avais jamais fumé, même pas tiré une latte sur une cigarette, et ce n'était pas aujourd'hui que j'allais commencer. Je me demandai toutefois si la nicotine fonctionnait réellement sur les nerfs, si elle pouvait apaiser les tensions qui m'étreignaient constamment. Est-ce que c'était un remède à envisager? J'avais déjà succombé au remède de Sacha, qu'est-ce que je deviendrais si j'associais la cigarette à l'alcool? Une image de moi, le visage blafard et perdu, tenant une bière d'une main et une cigarette de l'autre, me traversa la tête et me fit tressaillir.

Pour chasser cette image, j'orientai de nouveau mon attention sur Camille et la contempla de profil. Elle amenait sa cigarette délicatement sur ses lèvres parfaitement dessinées en extirper les substances addictives et n'en rejetait qu'une fine fumée blanche. Ses yeux étaient impeccablement maquillés de nuances de violet et de prune. Un blush légèrement orangé rehaussait ses pommettes. J'aurais tout donné pour avoir sa classe. Tout semblait lui sourire: une famille aisée, un copain qui avait tout pour lui, une vie sociale riche... Bref, à l'opposé de moi.

-Parle moi de toi, Camille.

-Qu'est-ce que tu veux savoir?

-Elle est comment ta vie? lui demandai-je curieuse.

Une nuit et un jourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant