Une nuit et un jour

67. Caliente

"Bois, bois, bois..."

L'ambiance était survoltée autour du bar central du Carioca. Une sorte de cabane de plage, importée d'une île paradisiaque, était plantée au milieu de la pièce. Les barmen et barmaid avaient adopté une tenue en accord avec cette thématique. Débardeur blanc et chapeau de paille, bronzage impeccable et corps sculpté. Evoluer dans cet endroit était dépaysant. Tout le décor était aux couleurs du Brésil. Nous avions le choix entre une sélection de cocktails exotiques et des rhums arrangés tous plus appétissants les uns que les autres.

Camille était déchainée ce soir. La tête penchait en arrière, elle avala le liquide enflammé en une seule gorgée sous la clameur des hommes qui l'entouraient.

-Ouaiiiiiis!!!

Elle était devenue le centre de l'attention depuis qu'elle avait défié un type et qu'elle avait gagné. Effectivement, elle n'avait pas son pareil pour descendre une pinte de bière. Elle faisait preuve d'une rapidité hallucinante. J'avais arrêté de compter les verres qu'elle s'était enfilés. Beaucoup trop de bières, de shots...

Ses exploits avaient attirés autour d'elle des types plus louches les uns que les autres, tels des vautours affamés. Ils lorgnaient tant son trépas que son décolleté. Au grand dam de Jonas qui visiblement ne riait plus de leur ivresse mutuelle. Son attitude avait radicalement changé. Il paraissait préoccupé voire inquiet. Il agissait comme un garde du corps, repoussant fermement ceux qui s'approchaient de trop près ou aventuraient des mains un peu trop curieuses sur les courbes d'une Camille insouciante. J'avais l'impression qu'il essayait de l'extraire du bar. Sans résultat.

J'avais essayé de parler à Camille quelques minutes plus tôt pour comprendre ce qui lui arrivait. Pourquoi tous ces shots? Pourquoi Jonas? Qu'est-ce qui se passait avec Lionel? Qu'est-ce qui lui prenait, bordel? Je n'avais eu que pour seule réponse:

-Oh, Ana, laisse tomber toutes ces questions! avait-elle rétorqué. Elles peuvent bien attendre demain. Ce soir, j'ai juste envie de m'amuser! Okay?

J'avais bien vu ses yeux se voiler de mélancolie et de tristesse. Et, je ne pouvais que respecter son envie de les chasser, le temps d'une soirée. Je n'avais pas insisté. Après un bref sourire, elle était retournée vers Jonas and co en criant les deux bras levés vers le ciel.

-Qui est capable de faire mieux que moi? Alors les mecs? Personne?"

Un des types s'était avancé et avait fait signe au barman de remettre la même chose. Camille gloussait, se trémoussait et riait à gorge déployée devant mon cousin dépité.

-Ah, enfin! Un qui ne se dégg... dégonfle pas! l'avait-elle congratulé.

Ce nouveau défi avait été salué unanimement par l'assemblée. J'avais seulement espéré qu'elle saurait s'arrêter à temps. Avant le coma éthylique. Malheureusement, j'en doutais de plus en plus.

Pourvu que Jonas ait plus d'influence que moi...

J'avais quitté Camille des yeux quand Adam et Séb nous avait rejoint, accompagnés de Coralie et Agathe, je crois. Une petite blonde aux grands yeux noisettes et tâches de rousseur. A l'inverse de Coralie, elle m'avait aussitôt parue sympathique. Nous n'avions pas vraiment discuté ensemble, juste quelques mots échangés à la dérobée. Elle m'avait seulement appris qu'elle travaillait dans un cabinet juridique et qu'elle attendait le week-end pour se lâcher, parce que travailler H24 avec une bande de mecs coincés, c'était usant à la longue. Je la crus sur parole.

Je n'avais pas fait l'effort des civilités avec Coralie, pas plus qu'elle. Je ne nous sentais aucun atome crochu, aucune affinité et j'en avais marre de faire semblant. Je passais mes journées à donner le change. C'était le week-end, j'avais bien envie de décompresser. Et puis, il y avait Sacha. Tout juste à côté de moi. Tellement près que son bras accoudé au bar s'appuyait contre le mien.