41. Un soupçon de légèreté

135 17 1
                                    

- Tu n'as pas l'impression que pour un resto comme ça, notre look est un peu... décalé?

Sacha rit face à ma grimace interrogative. Le cadre avait l'air somptueux et je ne me voyais pas y entrer vêtue ainsi, avec mon jean et mon sweat, les cheveux emmêlés dans tous les sens. La tenue, que j'avais jugée jusqu'alors correcte, me parut lamentable quand il se gara devant l'établissement. Bon, il était vrai que Sacha portait des vêtements du même acabit et qu'il n'avait, lui, pas l'air de s'en soucier.

- On s'en fiche, on va manger, pas parader! distingua-t-il.

- Enfin, tout de même, je vais faire tâche, bougonnai-je. On va faire tâche.

En entendant ma rectification, Sacha me remercia pour cette correction sur le ton de la plaisanterie, précisant que, quant à lui, il se trouvait plutôt beau gosse comme ça. Je levai les yeux au ciel devant tant de modestie, ce qui relança immédiatement ses rires.

- Et puis, repris-je. Je ne suis jamais allée dans un endroit pareil... Ca ne va pas le faire, je ne vais pas être à l'aise...

Tout d'un coup, les reportages décrivant les protocoles et les bonnes manières de la haute-société me revinrent en tête. Pourquoi n'avais-je pas été plus attentive aux conseils prodigués? Pourquoi ne les avais-je pas regardés jusqu'au bout? Peut-être parce que j'étais convaincue de n'en avoir jamais l'utilité. Ce qui jusqu'à maintenant s'était confirmé.

- Comment ça, ça va pas l'faire? railla-t-il. Tu sais poser ton cul sur une chaise et utiliser un couteau et une fourchette?

- Oui bien sûr, mais... répliquai-je.

- Alors ça va l'faire.

Sacha descendit de la voiture et la contourna pour m'ouvrir la portière.

- Si Madame veut bien se donner la peine, me nargua-t-il avec un ton obséquieux et de grands gestes parodiant une galanterie désuète.

- C'est malin de te moquer.

J'essayai d'emprunter un ton offusqué sans réellement y parvenir. Je sortis de la voiture à contrecoeur. Ce restaurant devait en plus coûter les yeux de la tête. Comment pourrais-je apporter ma contribution sans entamer considérablement mon budget mensuel voire l'épuiser en totalité, excluant derechef la possibilité de régler l'addition en totalité. Je trainais les pieds pour retarder l'arrivée aux portes de l'établissement. Sacha le remarqua et m'examina.

- Qu'est-ce qu'il y a encore? s'impatienta-t-il.

- C'est juste que ça doit être hors de prix, et moi j'ai pas les...

- T'inquiète pas pour ça, me coupa-t-il. Si je t'emmène ici, c'est que c'est ok.

- Comment tu fais?

- Pour quoi? Pour avoir la classe en toutes circonstances? se vanta-t-il en se frottant la main sur le torse. Le talent, ma belle, ça s'appelle le talent!!!

Un large sourire s'empara de mes lèvres, j'adorais quand il ne se prenait pas au sérieux, il en devenait radieux.

- Non, réfutai-je. Comment tu fais pour que ce soit toujours ok?

- J'amène ma carte! éluda-t-il avec brio. Tu la passes dans un lecteur et hop! Plus d'problèmes! Tu devrais essayer un jour.

Le rire de Sacha était contagieux. Je l'accompagnai mais plus amusée par sa façon de fuir une discussion plus profonde. C'était difficile d'apprendre à le connaître avec sa tendance à éviter de répondre à me rares questions pourtant. J'ouvris la bouche pour insister mais un homme d'une cinquantaine d'année nous accueillit.

Une nuit et un jourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant