16. Ca aurait pu être pire

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Piquée sur le vif, j'ai failli m'étouffer avec mon énième petit choux. J'étais persuadée que les autres convives étaient occupés à se déhancher sur la piste de danse improvisée, au rythme des morceaux de musique qui s'enchaînaient inexorablement. La plupart des meubles avaient mystérieusement disparu. A moins que la décoration originale ait été des plus minimalistes. Les allergiques à la danse étaient bien trop intéressés par le ravitaillement en alcool en oeuvre sur la table d'à côté pour faire attention à moi. J'avais cru pouvoir dévaliser les plateaux de petits fours, déjà bien entamés, en toute impunité.

Passé l'instant de stupeur, je pivotai ma tête pour découvrir à qui j'avais affaire. Je ne reconnus pas tout de suite cet homme posté à mes côtés. Lui, par contre, semblait m'avoir clairement identifiée. Son visage m'était vaguement familier. J'inventoriai rapidement les quelques personnes que j'avais pu rencontrer ou croiser depuis le début de semaine à la fac, mais aucun des portraits ne matchait avec le visage qui me souriait en coin. Des cheveux châtains, des yeux verts, une mâchoire carrée... Je l'avais!

- Andrej!? baragouinai-je stupéfaite, ma bouche toujours encombrée par le mini-choux à moitié avalé.

- Tu connais mon prénom? s'étonna-t-il à son tour en forçant sa voix pour se faire entendre au-delà de la musique, qui commençait sérieusement à me cogner sur le système. On n'a jamais été présentés pourtant je crois.

- En effet, lui répondis-je d'un ton peu engageant.

- C'est Marine qui te l'a soufflé?

- Il aurait fallu se parler, lui répondis-je sèchement.

- Pas faux. Je ne sais pas comment tu l'as su mais peu importe... poursuivit-il dans une tentative d'engager la conversation. Pour qu'on soit à égalité, c'est quoi ton nom?

Je détournai la tête tout en faisant un geste de la main lui signifiant qu'avec cette musique assourdissante, je n'entendais rien. Pâle excuse - je le concède -, mais je n'avais aucune envie de lier connaissance avec qui que ce fut ce soir et surtout pas avec le copain de l'ingrate Marine.

- Tu fais quoi là? insista-t-il en ignorant mon manque d'entrain à communiquer avec lui.

Il s'approcha un peu plus de moi afin d'être à portée de voix. Il fallait se l'avouer, Andrej avait de l'allure dans cette chemise blanche cintrée, juste comme il fallait pour divulguer une musculature qui avait dû nécessiter des heures d'entraînement dans une salle de sport à lever des poids de toute sorte. Est-ce que c'était le genre de mec à admirer les contractions de ses muscles en exercice face aux gigantesques miroirs d'un club de muscu? Bien sûr, il lui faudrait un parterre de filles plus intéressées par ces corps en tension que par l'activité sportive à proprement parlée. Faisait-il partie de ces êtres narcissiques accrocs aux préparations protéinées destinées à doper leur masse musculaire? En tout cas, je l'imaginais bien comme ça.

- A part manger? lui renvoyai-je ironiquement pour couper court.

Il acquiesça d'un signe de tête m'invitant à lui apporter une véritable réponse. Je sentais son manque de sensibilité à mes traits d'humour et perçus la naissance d'une pointe d'irritation sur son visage. J'espérai que cette dernière, face à de nouvelles répliques bien pensées, s'amplifierait et qu'Andrej, lassé, abandonnerait et tournerait les talons.

- Je sais pas et toi?

Face à mon attitude quelque peu dédaigneuse, son approche au départ cordiale, vacilla nettement vers un ton plus incisif.

- T'es toujours comme ça? me demanda-t-il en posant une main sur la table, son corps courbé vers moi.

Son regard se fit plus inquisiteur. Il était beaucoup trop coriace et commençait sérieusement à m'agacer.

Une nuit et un jourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant