79. Savoir tenir parole

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Je triturai mon plâtre nerveusement sans oser regarder par le hublot. Mon stress s'amplifiait à mesure que les instructions de sécurité étaient récitées. J'avais correctement attaché ma ceinture, repéré les issues de secours et compris comment me servir du masque à oxygène. J'aurai peut-être eu une infime chance de survie en cas de crash...

Je n'étais jamais montée dans un avion avant ce jour et je n'aurais jamais imaginé avoir l'opportunité de voyager par les airs aussi rapidement. Et qui plus était, en classe affaire.

En fait, je n'y avais été pour rien. Ce voyage s'était décidé sans moi et j'y avais été conviée sans invitation. " Elle vient avec moi!" avait décrété Sacha au détour d'un échange houleux avec son père. Ce dernier avait opposé qu'il ne s'agissait aucunement d'une escapade romantique et donc que je n'avais pas ma place. Ce fut sans compter la détermination de Sacha. Résultat, nous étions mardi embarqués dans le vol de 7 h 55 en partance pour la Suisse. Son père était parti la veille en première classe. Nous devions le rejoindre dès notre arrivée, à ce que j'avais compris.

Afin de distraire mon attention de tous les scénarios catastrophes qui me passaient par la tête, je promenai mon regard autour de moi. Qu'avait la classe business de plus que la seconde? Aucune idée. A vrai dire, je n'avais pas de point de comparaison. J'aurais pu apprécier l'accueil chaleureux des hôtesses ou le confort des sièges, enfin des fauteuils comme ils nous avaient été présentés lors de notre installation, si l'approche du décollage n'accaparait pas toutes mes pensées.

-Tu peux me redire combien de temps dure le vol? demandais-je à Sacha anxieuse.

-Déstresse... Tout va bien se passer...

-Combien? insistai-je.

-1 h 20. T'as pas à t'inquiéter... pour l'instant. C'est moins le décollage qu'il faut craindre que l'atterrissage.

-Ah... Ah... Ah...

C'est malin!!!

Je lui donnais un coup de poing sur le genoux.

Sacha passa un bras autour de mes épaules et m'attira vers lui pour me glisser un baiser sur le haut du crâne.

-J'déconne.

-Je suis morte de rire, grommelai-je agacée.

-Tu vas voir, c'est le premier vol qui est flippant après on s'y habitue très rapidement.

-Si je survis à celui-là... grimaçais-je loin d'être rassurée.

La peur se jouait de mon estomac et menaçait à tout moment de me faire rendre mon petit-déjeuner. Quelle idée d'accompagner Sacha et son père dans leur périple? Qui plus était en avion? Je regrettai aussitôt de ne pas avoir eu cette dose de courage qui m'aurait permise de leur faire faux bond. Bon Dieu, dans quoi je m'étais laissée embarquée?!

En plus, j'avais pu observé lors de la soirée de vendredi que leur relation père-fils était loin d'être un long fleuve tranquille. Que dire d'ailleurs de cette soirée? Bizarre aurait été un bon résumé.

Nous avions écouté de la musique, bu, regardé un film, bu, jusqu'à ce que nous réussîmes à nous éclipser. Mila, en tant que cadette, avait eu la possibilité de se sauver plus tôt pour aller se coucher. Je l'avais autant enviée que détestée lorsque je m'étais retrouvé entre Andrej, Sacha et leur père. Le départ de Mila avait libéré l'animosité jusque là réprimée. Andrej et Sacha avaient alors subi de nombreux assauts de la part de leur géniteur, qui avait jusque là alterné le chaud et le froid. Les reproches avaient fusé. Plus le ton était monté, plus je m'étais recroquevillée dans le canapé en vidant mon verre. Et puis, la tension était retombée comme un ballon qui se dégonflait.

Une nuit et un jourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant