22. En chemin

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Je revêtis mon manteau, plaçai mon sac sur mon épaule et franchis le seuil de la demeure en direction du portail que nous avions franchi quelques heures auparavant. De petits groupes éparses s'étaient installés de part et d'autre de l'allée qui conduisait à la sortie de la propriété. Ils étaient debout ou directement installés sur la pelouse qui bordait le chemin, fumaient, buvaient, gloussaient, criaient, chantaient et flirtaient évidemment. N'était-ce pas le but premier de ces soirées? Devant même celui de se défouler, de boire et de s'amuser, la raison d'être de ces soirées était de flirter ou de conclure selon les motivations. L'alcool, en désinhibant, jouait alors un rôle essentiel dans la réussite d'un soirée. Il devait forcément à couler à flot.

Était-ce aussi pour cette raison que je m'étais laissée convaincre par Camille de l'accompagner ici? C'était sûr que depuis la séparation avec Guillaume et cette terrible nuit, j'avais laissé de côté tout ce qui pouvait impliqué un rapprochement de quelque nature qu'il soit et avec qui que ce soit. Et, ça ne m'avait jamais manqué, j'en étais incapable de toute façon. J'étais plus habile pour repousser quiconque passait la ligne rouge.

Et pourtant, j'étais bien, à ce moment-là, en chemin pour quitter la soirée avec un mec. Un quasi inconnu, avec un physique à tomber et une voix envoûtante. Avec une profondeur dans le regard qui m'hypnotisait littéralement. Le seul souvenir de son souffle dans mon cou me fit frissonner. J'étais à la fois excitée de l'approcher de plus près et terrifiée par la gêne de ce tête à tête imposé par un trajet en voiture. J'espérai qu'il ne me demanderait ce que je faisais dans le jardin quelques minutes plus tôt. Étonnement, je ne ressentais aucune peur à le rejoindre. Je méprisais mon manque de prudence. J'aurais très bien pu me mettre dans une situation que j'aurais risqué de regretter. Et, puis merde! C'était juste pour l'affaire de quelques minutes, quelques kilomètres, juste le temps de rentrer à l'appart'. En plus, Camille savait que je rentrais avec Sacha, alors s'il m'était arrivé quoi que ce soit, elle aurait pu témoigner...

Mais, qu'est-ce que j'avais en tête? Voilà que je le prenais pour un tueur en série... De toute façon, c'était trop tard. Une berline était arrivée à ma hauteur. Elle s'était approchée de moi, sans bruit, et m'avait faite sursauté. La vitre du côté conducteur se baissa, et Sacha me dit de monter sans autre forme de politesse. Il déverrouilla la porte et je fis le tour de la voiture pour monter du côté passager. Je fermai la portière précautionneusement, comme si je devais me faire petite. Il ne m'adressa aucun mot, ouvrit plus en grand le portail, roula doucement en évitant, au milieu de l'allée, les garçons et filles qui se chamaillaient autour d'un chapeau. Ils le faisaient voler de mains en mains, mettant dans un état de colère feinte une jolie brune légèrement vêtue pour cette saison.

Je regrettai aussitôt de m'être mise dans cette situation plus qu'inconfortable. Je triturai nerveusement la bandoulière de mon sac que je venais de placer sur mes genoux. Le silence qui s'était installé au sein de l'habitacle devenait insupportable. J'espérai que Sacha l'interrompisse mais aucun mot ne se fit entendre. Cela faisait déjà quelques minutes que nous roulions. C'était peut-être à moi d'engager la conversation et ainsi briser la lourdeur de notre mutisme. C'était vrai qu'il avait déjà été sympa de me proposer de me ramener chez moi.

- Merci, osai-je timidement.

- De quoi? me répondit-il sans détourner son regard de la route faiblement éclairée.

Entendre sa voie grave et chaude réchauffa l'atmosphère instantanément et mon corps en entier par la même occasion. Je regardai les contours de son visage que les lueurs des éclairages extérieurs dessinaient magnifiquement. Ses cheveux bruns lui tombaient négligemment sur les yeux et il les repoussait d'un coup de tête nonchalant.

- De me raccompagner à l'appart.

Il esquissa un sourire.

- J'avais un truc à récupérer là-bas de toute façon, m'annonça-t-il d'un ton froid avant de le nuancer. Ça ne me dérangeait pas de t'embarquer avec moi. J'aurais pu plus mal tomber.

Une nuit et un jourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant