Il progressait. Lentement, mais sûrement. Tôt ou tard, il atteindrait son but, il en était maintenant certain. Et une fois son but atteint, il serait enfin libre. Il le lui avait promis. Il ne pouvait pas rompre son serment, c'était impossible. Après toutes ces années où il l'avait servi, où il avait exaucé le moindre de ses désirs, il ne pouvait pas se défaire de sa promesse. C'était tout simplement inimaginable.
Il savait que le but n'était pas encore atteint, mais ce n'était qu'une question de temps. La victoire était plus proche qu'il ne le pensait.
-T !
Le cri de Thibault le fit sursauter. Arraché à ses pensées, il le regarda courir vers lui. Il semblait alarmé. Que se passait-il ?
-T ! C'est Erwan...
A ces mots, il se raidit.
-Quoi ? Que se passe-t-il ?
Thibault ne parvenait visiblement pas à prononcer le moindre mot. Il sentit l'angoisse grandir en lui. Il eut envie de le secouer pour le faire parler.
-Parle !s'exclama-t-il.
-Il est...enfermé dans les toilettes...avec un autre garçon.
-Quoi ?
-Viens !
Il serra les poings et suivit Thibault en marchant à grandes enjambées. Plus ils approchaient, plus les cris d'Erwan déchiraient le silence. Il sentit sa mâchoire se contracter. Lorsqu'ils arrivèrent dans les toilettes, il donna un grand coup contre la porte.
-Ouvre cette porte !
Nouveau cri. Il poussa un juron et cogna à nouveau contre la porte.
-Ouvre cette porte si tu ne veux pas voir ton visage réduit en miettes !
La porte s'ouvrit enfin. Et il découvrit Erwan recroquevillé contre le mur, les bras en sang. Cette vision lui fit mal. Il se secoua.
-Amène-le à l'infirmerie, ordonna-t-il à Thibault.
Lorsqu'ils furent partis, il lui fit face. Il se rapprocha lentement de lui, jusqu'à le toucher.
-Tu as de la chance d'être dans l'enceinte de la faculté. Je sais pourquoi tu t'en prends à Erwan, mais tu ne gagneras pas.
Son poing partit brusquement et atteignit le nez du garçon. Le sang coula sans que celui-ci n'ait poussé un cri. Il le vit porter ses mains à son visage et se baisser légèrement, le maintenant au-dessus de lui, dans une position dominante.
-Je t'avais prévenu, au téléphone, l'autre soir. Je t'avais dit que tu le regretterais. Alors, que les choses soient claires : soit tu cesses immédiatement de t'en prendre à lui, soit tu continues à souffrir. Fais ton choix.
-Il ne gagnera jamais face à moi, ricana l'autre.
Son expression se durcit et il serra les dents en le fusillant du regard.
-Tu ne sais rien de lui.
-Ah, parce que toi, oui ? Tu ne sais rien de plus que moi, T. Tu ne sais pas s'il parviendra à surmonter tout cela. Il est faible.
-Il y parviendra.
-Ne me fais pas croire que tu n'as pas eu une once de regret ou de douleur lors de notre séparation. Personne n'est insensible. Je sais que tu la regrettes.
-Arrête de dire ça ! Je ne regrette rien du tout ! Je n'ai jamais rien regretté !
-Avec Erwan, tu regretteras, fais-moi confiance.
La gifle partit sans que l'autre ne l'ait vue venir.
-Il n'y aura pas de séparation, avec Erwan, dit-il entre ses dents. Mais toi, tu vas cesser de t'en prendre à lui. Tu vas cesser de le harceler et de lui faire peur. M'as-tu bien compris ?
-Je ne te comprendrai jamais, T. Personne ne te comprendra jamais. Pas même Erwan.
Il le vit reculer d'un pas.
-Je suis plus fort que lui. Il ne parviendra pas à surmonter la douleur. Toi non plus. Et tu sais pourquoi ? Parce qu'il est désormais ta faiblesse.
Une nouvelle gifle l'envoya au sol. Il resta debout au-dessus de lui, tremblant de fureur.
-Je ne suis pas faible. Ne t'avise plus jamais de me dire ça.