Chapitre 2

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Erwan avait espéré que tout ceci ne fût qu'un cauchemar. Mais lorsque son réveil sonna et qu'il ouvrit les yeux pour l'éteindre, il fut déçu de voir que ce n'était pas le cas. Il était bien dans son studio. Et celui-ci était bien à Dijon. Le jeune homme soupira et repoussa ses couvertures.

Huit heures. Sa réunion de rentrée était à neuf heures. Il n'avait qu'une heure pour se préparer !

Il prit une douche rapide, avant de sécher ses cheveux châtains impossibles à coiffer et qui retombaient toujours en une longue masse au-dessus de ses yeux bleus. Il s'habilla, prit son sac, saisit un en-cas au passage et se hâta de quitter son studio.

La faculté n'était qu'à dix minutes de chez lui. Il s'y rendit à pied - en courant. Il trouva rapidement la salle et entra en même temps que les autres.

C'est alors qu'il le vit.

Il était assis en face de lui et gardait les yeux baissés sur le stylo qu'il retournait inlassablement entre ses mains. Quelques mèches lui tombaient devant les yeux, mais Erwan le reconnut aussitôt. C'était le garçon qui l'avait bousculé dans sa résidence. Il poussa un soupir discret : pourquoi le sort s'acharnait-il contre lui ?

Les cours commençaient la semaine suivante. Du moins, les cours magistraux. Les travaux dirigés n'étaient que dans deux semaines.

De retour chez lui, il reprit sa lecture, remerciant le monde imaginaire d'exister. Seule la fiction avait le pouvoir de l'arracher à sa triste réalité. Ses romans étaient l'air dont il avait besoin dans cette ville où il étouffait. Fantastique, policiers, romans d'amour, romans réalistes...Romans du XIXe, du XXe, du XXIe...Tout. Il lisait de tout - bien qu'il marquât largement sa préférence pour les romans fantastiques et les auteurs du XIXe siècle. Ses parents et ses amis n'avaient cessé de lui faire remarquer que ses choix étaient contradictoires - "Reconnais que c'est paradoxal d'aimer à la fois le réel et l'imaginaire !".

Et alors ?

Il avait cessé d'expliquer son choix. Tout argument était inutile. De toute manière, pourquoi devait-il se justifier ? Il s'agissait de ses goûts. Et même s'il avait tenté de s'expliquer, ses parents n'auraient pas compris.

Ils ne comprenaient rien.

Ils ne comprenaient pas les goûts d'Erwan. Ni en matière de lecture ni en matière de ville. Parce qu'ils ne comprenaient pas non plus - et ce n'était pas faute d'avoir essayé de les convaincre - pourquoi leur fils préférait la campagne à la ville.

Il fut réveillé en pleine nuit par le vibreur de son portable. Il regarda l'écran : Inconnu. Il hésita, avant de décrocher.

-Allô ?murmura-t-il.

Pas de réponse.

-Allô ?

Silence au bout du fil. Il soupira et raccrocha. Son portable vibra à nouveau. Il décrocha, sans répondre. Toujours le même silence à l'autre bout de la ligne. Il raccrocha et éteignit son téléphone.

Lorsqu'il le ralluma le lendemain, il eut un choc. Dix-huit appels manqués du même numéro ! Que devait-il faire ? Devait-il en parler à ses parents ? Il se ravisa aussitôt. Non. Ce serait inutile.

Durant tout le week-end, il ne cessa de penser à ces appels. Qui pouvait bien le harceler ainsi ? Il avait bien sûr immédiatement pensé au garçon de sa résidence, mais ce ne pouvait pas être lui, il n'avait pas son numéro. Alors qui ? Peut-être un ami de Montagny - le village où vivaient ses parents - qui voulait lui faire une farce. Mais il ne voyait ni pour quelle raison ni de qui il pouvait s'agir.

Cesse de te torturer l'esprit avec ces appels ! Quand il verra que tu n'y prêtes pas attention, il te laissera tranquille.

Le lundi matin, lorsqu'il arriva en classe, il vit qu'il n'y avait plus qu'une place de libre. Il s'avança dans la rangée et s'installa. Il sortit ses affaires et attendit que le cours commence. Mais lorsqu'il prêta enfin attention à son voisin, il crut qu'il allait avoir une attaque.

C'était le garçon de sa résidence.


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