Demande à Loris ? Demande à Loris ? C'était une plaisanterie. Ça ne pouvait être autre chose qu'une plaisanterie. Ou bien ils étaient tous devenus fous. Ils ne pouvaient pas être sérieux ni censés en lui disant une telle chose !
-Erwan, je vais faire un tour, veux-tu venir ?
Erwan sourit à son ami.
-Pars devant, je te rejoins.
-D'accord. Ne tarde pas.
Dès que T fut parti, Erwan se dépêcha d'aller fermer la porte à clef pour ensuite se jeter sur son portable et sélectionner le numéro de Thibault.
Son ami répondit à la première sonnerie.
-Erwan ? Que se passe-t-il ?
-Tu m'expliques ?demanda Erwan sans préambule.
-T'expliquer quoi ?lui dit prudemment Thibault - il avait dû sentir la catastrophe arriver.
-J'ai reçu des tonnes de messages qui me disent de quitter T - jusqu'ici, rien de nouveau...Non, vois-tu, ce qui change, c'est que j'ai voulu savoir pourquoi et qu'ils m'ont tous répondu la même chose.
-Et que t'ont-ils répondu ?
-De demander à Loris !s'exclama Erwan.
Il s'attendait à une réaction vive de la part de Thibault, mais celui-ci continua de lui parler le plus calmement du monde.
-Tu vas le faire ?
-Ta question est stupide, répliqua Erwan. Bien sûr que non, je ne vais pas le faire, que t'imagines-tu ?
-Je ne m'imagine rien, lui rétorqua Thibault. Mais ils ont peut-être raison. S'ils te le disent tous, c'est qu'il y a une explication à creuser du côté de Loris. Après tout, il est celui qui a le moins accepté la rupture avec T. Finalement, il est peut-être celui qui connaît le plus ton petit ami...
Erwan se mordit la lèvre en entendant le raisonnement de son ami. Au plus profond de lui-même, il sentait que Thibault avait raison, mais il ne parvenait pas à l'admettre totalement.
-Erwan ?
Erwan soupira.
-Je ne sais pas. Je ne sais plus. J'ai l'impression de ne plus savoir ce qui est juste.
-Je suppose que T n'est pas avec toi...
Il se figea, soudain sur ses gardes.
-Comment le sais-tu ?
-Eh bien, étant donné notre merveilleuse entente, tu ne m'aurais pas appelé s'il avait été là.
Erwan ne put s'empêcher de sourire.
-Brillante déduction, monsieur Holmes...
-Je te remercie. Puis-je t'appeler Watson ?
Erwan pouffa.
-Je ne pense pas mériter ce titre, répondit-il. Je n'ai toujours pas résolu l'affaire T, ce qui fait de moi un détective bien médiocre.
-Il vaut peut-être mieux que tu ne parviennes jamais à la résoudre, lui répondit Thibault.
-Je m'attendais à cette réponse, soupira Erwan. Mais je n'abandonnerai pas.
-A ta guise...Mais je t'aurais prévenu.
-Que dois-je faire, concernant Loris ?demanda Erwan pour changer de sujet.
-Fais comme tu veux. Mais si j'étais toi, je lui donnerais rendez-vous quelque part pour lui parler de tout cela en face. C'est mieux que par messages.
Erwan le remercia et ils prirent congé l'un de l'autre.
L'idée de parler à Loris était déjà pénible. Lui parler en face serait impossible. Pourtant, il devait le faire. C'était peut-être pour lui le seul moyen d'en savoir plus et de mettre toute cette histoire au clair.
Lui parler.
Ne pas lui parler.
Lui parler.
Ne pas lui parler.
A nouveau, les deux voix se disputaient dans son esprit. Etait-il en train de devenir schizophrène ? Avec ce qu'il vivait, il y avait de quoi...
Non, il avait bien toute sa tête et sa lucidité lui permit de sélectionner le nom de Loris dans son répertoire.
Combien de temps avant que T ne revienne ? Erwan devait faire vite. Si son ami apprenait qu'il appelait Loris pour lui donner un rendez-vous, il le ligoterait et l'enfermerait pour l'empêcher d'y aller. La séquestration et le ligotage n'étant que des punitions moindres...
Il pressa la touche verte.