C'est terminé.
Les mots d'Erwan tournaient en boucle dans sa tête. Douleur morale et douleur physique : il ignorait laquelle des deux était la pire.
Allongé sur son lit, il restait immobile, sans parler. Il n'avait pas dit un mot depuis qu'Erwan lui avait annoncé la fin de leur amitié.
Tu es un incapable ! Un incapable, tu m'entends ? Ta mère a eu raison de t'abandonner !
Il avait frémi lorsque les mots avaient résonné. Mais ses paroles n'étaient rien. Rien face à la phrase qu'Erwan avait prononcée.
Erwan...
Son prénom même était une brûlure. Il n'avait jamais eu aussi mal de toute sa vie. Jamais, même dans ses pires cauchemars, il n'aurait imaginé ressentir une telle douleur.
C'est terminé.
Parfois, il se demandait même s'il ne l'avait pas rêvé. Si tout ce qui s'était passé n'était pas un cauchemar. Mais il savait au plus profond de lui-même que ce n'en était pas un. Tout cela était réel. Bien réel.
Erwan était-il avec Thibault en ce moment ? Ou avec quelqu'un d'autre ? Ces pensées le rendaient fou. Il ne savait rien. Il ne pouvait rien savoir. Et cela le terrifiait.
Il délirait. Il voyait Erwan rentrer dans la studette, main dans la main avec Thibault. Il hurlait et, au lieu d'obtenir la voix douce de celui qu'il aimait, il avait droit au silence et à l'obscurité de son studio.
Il ne savait plus où il était. Il était perdu. Erwan était le phare qui guidait son navire, mais la lumière avait disparu et il ne voyait plus les récifs dangereux qui l'entouraient. Si Erwan ne revenait pas, il sombrerait définitivement.
On frappa à sa porte.
Il ouvrit les yeux et revint brutalement à la réalité. Il alla ouvrir. Un garçon aux cheveux bruns et aux yeux bleus était devant lui.
-Thibault ?murmura-t-il.
Que faisait-il ici ?
-Il a avoué ses sentiments, T.
Quoi ? Il détourna le regard.
-Tu mens, souffla-t-il.
-Non. Je t'assure que c'est la vérité. Il me l'a dit.
Il ne répondit pas.
-Crois-tu vraiment que je serais venu te voir pour te mentir ? Ça n'a aucun sens. Je lui ai demandé s'il t'aimait, j'ai même insisté. Il m'a dit oui. Crois-moi.
Il avala péniblement sa salive.
-Je ne sais plus ce qu'il faut que je croie.
-Je sais que tu ne m'apprécies pas, mais je t'assure qu'il t'aime. Il ne reviendra sans doute pas, parce qu'il a peur de Loris, mais il n'est pas dans un meilleur état que toi...
A ces mots, il le regarda.
-Quoi ? Comment ça ?
-Il ne mange plus. Il ne dort plus. Il est maigre, pâle et il a des cernes sous les yeux. Il ne va vraiment pas bien.
Il sentit sa gorge se serrer en entendant ces mots.
-Si tu acceptais qu'il vienne te voir...
-J'accepte, l'interrompit-il. Même si cela va sans doute me faire mal. Je ne pensais pas qu'il se mettrait dans un tel état à cause de moi.
-Je lui dirai, conclut Thibault.
Il le vit se tourner pour repartir.
-Thibault ?
Celui-ci s'immobilisa et se retourna.
-Merci.
Thibault lui sourit.
-Je t'en prie.
Il resta seul, à se ronger les sangs pour Erwan. Le soir même, on frappa à sa porte.
-Oui ?
La porte s'ouvrit. Lorsqu'il le vit, il crut que son cœur allait s'arrêter de battre.
Il était maigre, pâle et tremblant. Ses joues étaient creuses, son regard était vide. Ses yeux étaient rouges à force d'avoir pleuré.
-Mon dieu, Erwan...