Rien n'est pire que de se sentir impuissant. Excepté peut-être de voir celui que l'on aime se trouver plus désarmé que soi. C'était ce sentiment d'horreur qu'éprouvait Erwan en cet instant précis. Il était prisonnier du regard horrifié de T. Incapable de détourner le sien.
-Tu es fou ! Lâche-le !
-Je ne le lâcherai pas tant que je n'aurai pas obtenu ce que je désire. Et tu sais très bien ce que je désire...
Erwan vit T serrer les dents.
-C'est hors de question.
Il sentit la main se resserrer sur sa bouche, l'autre main lui broyer l'estomac. Il gémit de douleur.
-Tu vas le tuer, arrête !
-Fais ton choix, T.
Il vit T lui lancer un regard désespéré. Il répondit par un regard horrifié et gémit de plus belle contre la paume qui le bâillonnait.
Non...Non, refuse...
-Si j'accepte...me promets-tu de le laisser en paix ? De ne plus jamais lui faire de mal ?
NON !
-Il en sera fait selon tes désirs.
Erwan eut l'impression que son cœur allait cesser de battre. Impossible, c'était impossible. Ce n'était pas vrai. Ça ne pouvait pas arriver. Ça ne devait pas arriver.
-J'accepte.
-Non !
Son hurlement fut étouffé par la paume qui recouvrait sa bouche.
-Dans ce cas, je le libère...
Erwan sentit le bras le lâcher doucement.
Il resta debout, immobile face à T. Il ne parvenait pas à croire qu'il ait accepté. Qu'il ait osé dire oui à un menteur. Ou plutôt un manipulateur. Voire les deux.
Il n'a pas pu dire ça. Il n'a pas pu dire ça, c'est impossible.
Il devait rêver. Ou bien il devenait fou. T n'avait pas pu céder face à lui !
-T...
Seul un gémissement s'était échappé de sa bouche.
-T, je t'en supplie...
-C'était le seul moyen pour qu'il ne s'en prenne plus à toi, Erwan.
-Il ment...Je t'assure qu'il ment...Ne le crois pas...
Il vit T baisser honteusement les yeux.
-Tu dois comprendre que je n'avais pas le choix. Il...Il allait te tuer. Je ne pouvais pas le laisser faire.
-Il ne l'aurait pas fait. Tu sais aussi bien que moi qu'il ne l'aurait pas fait. Pourquoi as-tu cédé ?
Le regard que lui lança T le fit frissonner. C'était un regard sombre dans lequel s'emmêlaient les sentiments. L'amour. Le regret. La peur. Le désespoir. Erwan avait l'impression de se noyer dans cet amas d'émotions.
-Pourquoi, T ? Ce ne sont que des menaces. Des mots, rien de plus. Ses paroles sont de l'air. Elles sont creuses.
Il vit T secouer la tête.
-Non. Non, pas cette fois. Je l'ai vu, il allait te tuer. Je ne pouvais pas courir le risque.
-Il ment !s'exclama Erwan. Ne l'écoute pas, il ment ! Il cherche à te faire peur !
-Non, je ne mens pas.
Erwan osa enfin le fusiller du regard.
-Bien sûr que si, répliqua-t-il.
-Erwan, arrête.
Il sentit son cœur se briser un peu plus en voyant T s'interposer contre lui.
-Je ne ressens pas ce qu'il éprouve envers moi. Crois-moi. C'est pour te préserver que j'agis ainsi.
C'est un cauchemar, c'est un cauchemar, c'est un cauchemar.
Il savait pourtant que tout ceci était réel, ce qui le désespérait davantage. Il le vit aider T à se lever.
-Erwan, je...
Erwan secoua la tête.
-Non. C'était lui ou moi. Tu as fait ton choix.
Il vit T déglutir péniblement.
-Sache que je t'aimerai toujours.
Le cœur lourd, Erwan le regarda partir, soutenu par Loris. Une fois seul, il hurla.