-Qu'y a-t-il, Erwan ?
Erwan ne put s'empêcher de sourire. C'était la première fois que quelqu'un lui demandait ce qu'il y avait et non pas si ça allait. Il y avait une nette différence entre ces deux questions. C'était comme si T le connaissait mieux que personne...Comme s'il savait lire en lui...
-Rien, ne t'inquiète pas.
-Bien sûr que si, je m'inquiète. Je lis de la peur dans ton regard. Que se passe-t-il ?
-Je t'assure que ça va.
-Arrête de me mentir et dis-moi ce qui ne va pas.
Erwan soupira : il était visiblement impossible de mentir à T. La gorge serrée, il prit son portable, ouvrit le message de Loris et le montra à son ami. Il vit T froncer les sourcils.
-Tu m'avais dit que tu n'avais pas confiance en toi et...
-Tu as peur que je te quitte, comprit T.
Erwan baissa les yeux. Il entendit T soupirer.
-Que faut-il que je fasse pour que tu comprennes que je ne te quitterai pas ?
Le jeune homme déglutit péniblement.
-Loris a raison, murmura-t-il. Tu as abandonné tous les autres, alors pourquoi pas moi ?
-Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît pas...
Erwan regarda son ami : il venait de citer Pascal, un célèbre philosophe.
-Je trouve cette phrase parfaitement juste, déclara T. Ce que je ressens pour toi...je ne peux pas l'expliquer. C'est toi, tout simplement. L'amour ne pourra jamais s'expliquer clairement. Il arrive, il part, il revient...C'est comme ça.
Erwan ne répondit pas.
-Cesse de douter, Erwan. De moi, de toi...de nous. Je ne te quitterai pas. Jamais. Je te le promets.
A ces mots, Erwan céda et vint se blottir contre T.
-Merci, souffla-t-il.
Il y eut un silence. Puis, Erwan entendit T pousser un profond soupir.
-J'aimerais tellement pouvoir tout t'expliquer. Mais je ne le peux pas, et ce pour deux raisons : tu risqueras de me haïr quand tu sauras et il s'en prendra à moi si je te le dis.
-Ne dis rien, répondit Erwan. Ne t'inquiète pas, je n'ai pas besoin de savoir. Mais quoi qu'il arrive, je ne te haïrai jamais.
Le lendemain, en voyant Thibault, il décida de lui laisser une chance.
-Comment va-t-il ?
-Il se remet doucement, répondit Erwan.
-Vas-tu le laisser rester chez toi ?
Le jeune homme le regarda, surpris par la légère animosité qui avait résonné dans sa voix.
-Il y restera le temps qu'il voudra, répliqua-t-il. Pourquoi me parles-tu sur ce ton ?
-Parce que tu es aveugle, Erwan.
-Explique-toi.
-Il est plus mauvais que tu ne le crois. Il a fait du mal autour de lui et il va continuer. Tu mérites mieux que lui.
A ces mots, Erwan serra les dents.
-Je t'avais demandé de m'expliquer, pas de m'embrouiller encore plus, répliqua-t-il. Tu me dis qu'il est mauvais, mais tu ne me dis pas en quoi il est mauvais.
-Je ne peux rien te dire de plus. Si je le pouvais, je t'expliquerais et tu comprendrais tout. Mais tout ce que je peux te dire, c'est que tu vas nécessairement souffrir...
-Arrête-toi, dit Erwan entre ses dents.
-Mais nous sommes presque arrivés...
-J'ai dit arrête-toi !
La voiture pila. Erwan défit sa ceinture, prit son sac et sortit en claquant la portière. Sans un mot, il prit la direction opposée à l'université et monta dans le premier tramway.