21 Octobre. Dix jours avant la fin du mois. Erwan tenait bon. Il verrait bien ce qui se produirait le 31 et si sa peur était justifiée ou non. Son cœur était partagé entre l'angoisse et la détermination. Il prendrait sa décision à la date fatidique, lorsqu'il saurait ce qu'il en est réellement.
Son portable bipa.
Erwan,
je suis seule aujourd'hui. Joseph est parti pour la journée. Si tu veux venir me voir avec T, j'en serais ravie.
Clara.
T avait dû lui donner son numéro de portable en cas de besoin...Il releva les yeux vers son petit ami qui le fixait, l'air inquiet.
-C'est Clara, dit-il en souriant. Elle est seule chez elle et elle propose que nous passions la voir.
Il vit le visage de T se détendre aussitôt.
-Oui, bien sûr. Nous pourrons prendre le tramway. Dis-lui que ce sera avec plaisir.
Erwan s'empressa de taper sa réponse.
Erwan : Bonjour Clara, nous acceptons avec plaisir votre proposition. Vers quelle heure faut-il que nous passions ?
Son téléphone bipa presque aussitôt.
Clara : Vers 14 h. Nous prendrons un thé. A tout à l'heure.
-Elle nous propose de passer chez elle vers quatorze heures, déclara Erwan.
Il avait préféré l'expression "chez elle" à "chez eux", ne sachant ni s'il devait les considérer comme un couple ni comment réagirait T à l'évocation de Doyen.
-Eh bien, c'est parfait, lui répondit son ami en souriant. Je suis heureux de la voir enfin sans lui.
-Je comprends.
Il était midi.
-Je suppose que tu manges avec moi ?lui demanda T.
-Je ne sais même pas pourquoi tu poses la question...
A treize heures trente, ils étaient dans le T1 - la ligne 1 du tramway - qu'ils prirent jusqu'à l'arrêt "République". Ils descendirent et montèrent dans le T2 qui les conduisit au terminus, à l'arrêt "Chenôve Centre".
Clara les accueillit chaleureusement. Elle parvenait à rester heureuse malgré ce qu'elle subissait. Erwan ne pouvait s'empêcher de l'admirer. Elle avait une force de vie qui l'impressionnait.
Comme promis, elle les invita à s'asseoir et leur servit un thé.
-Etes-vous toujours ensemble ?demanda-t-elle doucement.
-Oui, bien sûr, répondit Erwan.
Il la vit échanger un coup d'œil avec T. Et il eut soudain l'impression d'être de trop. Mal à l'aise, il sentait l'angoisse l'envahir à nouveau. Ce simple et rapide échange de regards en disait plus que n'importe quel mot. Ils savaient quelque chose que lui-même ignorait. Une fois de plus, il était mis à l'écart.
Clara savait.
Thibault savait.
Loris savait.
Tous les élèves de la faculté savaient - Ce n'est pas de la cécité, c'est de la soumission.
-Pourquoi n'ai-je pas le droit d'être mis au courant ?soupira Erwan. C'est injuste...
Il était son petit ami et il était celui qui en savait le moins sur lui ! C'était un comble...
Il sentit le bras de T enlacer sa taille et il surprit les regards inquiets de Clara et de son ami qui se posaient sur lui.
-Je suis vraiment désolé, lui murmura T en le serrant contre lui.
-Erwan...
Il leva les yeux vers Clara.
-Tu dois savoir que ce n'est facile pour personne. Ni pour toi. Ni pour moi. Encore moins pour T. La seule personne pour qui tout est simple, c'est Joseph.