Erwan se sentait mal. Les révélations de T l'avaient bouleversé. Il craignait le pire pour toutes les autres choses que T ne lui avait pas dites.
Il était rentré chez lui au petit matin. T dormait encore, il avait quitté le studio sans un bruit. Ils n'avaient cours qu'à dix heures, ce qui laissait le temps à Erwan de réfléchir à ce que T lui avait dit - ou pas dit.
Il t'a dit que j'étais né sous X.
Il ne t'a pas dit le pire.
Mon tuteur...Parfois, il me bat.
Un jour, c'est lui qui me brisera. Définitivement.
Le pire ? Qu'est-ce qui pouvait être pire que d'être né sous X et battu ? Erwan tremblait rien qu'en y pensant. Il n'osait pas même l'imaginer.
Les phrases de T tournaient dans sa tête sans qu'il ne parvienne à les en déloger. Tout comme son visage qu'il revoyait à chaque instant. Comment pouvait-on être aussi cruel envers quelqu'un ?
Un jour, c'est lui qui me brisera. Définitivement.
Erwan avala péniblement sa salive.
-Mon dieu, T...
Il avait peur pour lui. Peur de ce qu'il pouvait encore subir. Peur de ce qu'il lui disait. Peur de ce qu'il ne lui disait pas.
Il ignorait quel était le pire, entre ce que T lui révélait et ce qu'il sous-entendait. Il voulait le protéger, mais il savait qu'il était impuissant. Que pouvait-il face à un tuteur fou et violent ?
Son portable vibra. Au moment où il allait le prendre, il se rendit compte qu'il vibrait en continu. Il regarda l'écran.
Inconnu.
Erwan avala péniblement sa salive et tendit lentement une main vers son téléphone. Il le prit en tremblant, prit une profonde inspiration et pressa la touche verte. Il s'attendait à un silence absolu, mais, à sa grande surprise, la voix masculine s'exprima. Il sursauta.
-Si jamais tu restes trop proche de T, Erwan, tu paieras.
Sur ces mots, l'interlocuteur mystérieux raccrocha. Erwan demeura bouche-bée, pétrifié. Son cœur battait à lui rompre la poitrine. Il se mit à trembler. Ces appels lui faisaient peur. Très peur.
Lorsqu'il arriva en cours, il vit une place libre à côté de T, mais il n'osa pas s'y installer. T lui lança un regard interrogateur, il baissa les yeux.
Comment allait-il pouvoir lui expliquer la situation ? Il allait le blesser, chose qu'il ne désirait surtout pas. Comment faire ? Comment faire ? Pourquoi se retrouvait-il toujours dans des situations compliquées ? Pourquoi n'avait-il pas droit à une vie simple et des amis simples ? Qu'avait-il fait pour mériter cela ?
Lorsque le cours fut terminé, il prit encore une fois tout son temps pour ranger ses affaires - il savait que T n'oserait pas l'interroger devant les professeurs. Mais lorsqu'il quitta la salle, T l'attendait dans le couloir.
-Que se passe-t-il, Erwan ?
Erwan baissa honteusement les yeux.
-Nous ne devons plus nous voir, T. Plus du tout.
Lorsqu'il releva le regard, il vit la douleur se peindre dans celui de T et il eut un haut-le-cœur.
-Pourquoi ? Erwan, dis-moi ce qui se passe.
-Il m'a menacé. Si je reste avec toi, il me le fera payer. Je ne peux pas prendre de risques.
Il vit T pâlir à ces mots.
-Il n'osera pas. Tant que je serai là, il n'osera pas.
-Si, il le fera. Il l'a déjà fait une fois. Tu sais aussi bien que moi qu'il est capable de recommencer.
La souffrance de T lui fit plus mal que sa propre douleur.
-C'est comme ça. Il n'y a pas d'autre solution.
-Je t'en prie...
Erwan secoua la tête.
-C'est terminé.
