Deux semaines s'étaient écoulées. Le vendredi arrivait. Au grand soulagement d'Erwan, T allait beaucoup mieux. Il allait enfin pouvoir retourner en cours la semaine suivante.
Quitte-le avant qu'il ne soit trop tard.
Pourquoi ne parvenait-il pas à chasser cette phrase de son esprit ? Il savait pertinemment qu'il ne le ferait pas. Alors pourquoi persistait-elle à le hanter ?
Parce que tu veux comprendre, lui souffla une petite voix.
Evidemment...
A la phrase de Thibault s'ajoutaient les bribes de la conversation que T avait eue avec son tuteur.
Tu dois m'en laisser encore un peu...Tu ne pourras pas le faire...Je n'échouerai pas...
Une fois de plus, il ne comprenait rien. Laisser quoi ? Faire quoi ? Pourquoi avait-il parlé d'échec ?
T ne lui avait rien dit. Et il n'avait pas posé de questions, ayant rapidement compris que cela serait inutile.
Son portable vibra. Il avait un message.
Je suis vraiment désolé, Erwan. Je sais que je n'aurais pas dû te parler ainsi et tu as eu raison de me repousser. Mais tu restes mon ami. Si tu as besoin, je suis là.
Erwan ne put s'empêcher de ricaner. Son ami, vraiment ? Lui ne le considérait plus comme tel depuis ce qui s'était passé.
A la fin du cours, la voix de son professeur de littérature le rappela. Il s'avança vers lui, surpris : avait-il fait quelque chose de mal ?
Le temps s'étirait tandis qu'il marchait vers son enseignant. Qu'avait-il fait ? Ou pas fait ? Il avait toujours été un élève moyen, ni modèle ni cancre. Il avait de très bonnes notes en littérature française et en anglais, même si elles étaient parfois moins élevées en littérature comparée. Depuis tout petit, il rêvait d'être libraire, pour pouvoir vivre entouré de livres. Il n'avait jamais eu de problèmes en classe, ni pour son travail ni pour son attitude. Aussi était-il très surpris de voir un professeur le rappeler.
-Erwan, le doyen veut vous voir.
A ces mots, il pâlit brusquement. Le doyen ? C'était de pire en pire...
-Sa...Savez-vous pourquoi, monsieur ?balbutia-t-il.
Il vit son enseignant secouer la tête.
-Non, je regrette. Il veut seulement que vous passiez dans son bureau dès que vous avez un moment.
Erwan acquiesça et quitta la salle. Pour la première fois, il était soulagé d'avoir cours jusqu'à midi...
Le doyen veut vous voir.
Il parvenait encore moins à se concentrer sur ses cours. Et soudain, il frémit. Cela avait-il un rapport avec ses résultats ? Son manque d'attention ? Ou son manque de volonté ?
Allait-il être renvoyé ?
Cette simple pensée le fit frémir. Que ferait-il s'il était renvoyé ? Que penseraient ses parents ? Pourrait-il retrouver une université ? Pourrait-il poursuivre ses cours ailleurs ? Serait-il refusé partout ?
Calme-toi !
Ce n'était probablement rien. Rien d'important. Ce ne pouvait pas être si grave. C'était peut-être seulement pour savoir comment se passait son année, si tout allait bien...
Oui, ce ne pouvait être que cela.
Un pas, puis deux, puis trois, puis quatre...
Le bureau se rapprochait dangereusement. Bientôt, il pourrait distinguer les mots inscrits sur la plaquette dorée. Il n'aurait alors plus qu'à frapper. Le doyen l'accueillerait avec un sourire, lui demanderait de s'asseoir. Il lui poserait des questions sur son année, pour savoir si tout allait bien, si tout se déroulait comme il le souhaitait. Erwan lui rendrait son sourire, lui répondrait que oui, tout allait pour le mieux.
Il frappa.
-Entrez.
Il poussa la porte.