De toute sa vie, jamais Erwan n'aurait cru ressentir une telle douleur. Il avait pensé que ce serait simple - après tout, il connaissait à peine T, il ne savait rien de lui et il ne ressentait rien pour lui hormis de l'amitié. Du moins essayait-il de s'en persuader. La réalité était tout autre. Il était malade tous les soirs et ne pouvait rien avaler. Il tremblait toute la journée en voyant T si proche de lui et en même temps si loin. Il se cramponnait à ses draps le soir en recevant les messages désespérés de T pour se retenir de bondir de son lit et courir jusqu'au studio 104. Il hurlait la nuit en rêvant de leur amitié perdue. S'il éprouvait tout cela...était-ce vraiment de l'amitié ?
-Erwan, est-ce que ça va ? Tu as une mine affreuse.
Erwan releva lentement la tête et gratifia Thibault d'un regard vide. Il vit le visage de son ami se décomposer.
-Mon dieu, Erwan, que t'arrive-t-il ?
-Notre amitié avec T...C'est fini.
-Quoi ?s'exclama Thibault. Mais pourquoi ?
-Son ex-petit ami m'a menacé. Il m'a dit que je payerais si je restais avec lui.
-Loris ?
Erwan cligna des yeux.
-Pardon ?
-Loris. C'est le nom de son ex. Un fou. Il n'a jamais supporté que T le quitte. Et à présent, il ne supporte pas que T soit amoureux de toi. Il est jaloux, fou et dangereux. S'il t'a tenu de tels propos, tu as en quelque sorte bien fait de rompre avec T.
Rompre avec T. A ces mots, Erwan sentit la nausée le reprendre. Ce n'était qu'une rupture amicale et il se sentait plus mal que si une fille qu'il aimait l'avait quitté.
-Pardonne-moi, Erwan, je n'aurais jamais dû te dire ça. C'était stupide de ma part.
Erwan se força à sourire.
-Ne t'inquiète pas.
Respire, Erwan !
Il se mit à trembler.
-Erwan ?
Il ne parvint pas à répondre. Ses tremblements s'accentuèrent et il sentit ses oreilles bourdonner. Il ferma les yeux, tentant vainement de se calmer.
-Erwan !
La voix de T. Il sourit.
-T...
-Erwan, réponds-moi !
Il rouvrit les yeux. Mais lorsqu'il vit que c'était Thibault et non pas T, il craqua. Ses jambes se dérobèrent sous lui et tout devint noir.
Lorsqu'il rouvrit les yeux pour la seconde fois, il reconnut immédiatement le plafond blanc sans consistance de son studio. Il était allongé sur son lit.
-Erwan...Je t'en supplie, dis quelque chose.
La voix de Thibault. Il tourna la tête : son ami était près de lui. Il lui sourit.
-T'ai-je fait peur ?murmura-t-il.
Il entendit Thibault soupirer, visiblement soulagé.
-Evidemment que tu m'as fait peur ! Ne me refais plus jamais ça...
Erwan ferma les yeux.
-Erwan ?
-Je n'ai pas su...t'écouter. Je n'ai pas su m'éloigner de lui. J'aurais dû le faire dès que j'ai reçu ces appels.
-C'est normal. Tu tiens à lui et il est évident que c'est réciproque. Si j'avais été à ta place, j'aurais sûrement eu la même réaction.
Erwan se força à sourire, mais le cœur n'y était pas.
Il retourna en cours dès le lendemain, malgré sa faiblesse. La veille, il avait encore dû se faire violence pour ne pas répondre aux messages que lui avait envoyés T.
Erwan, réponds-moi, je t'en supplie.
Ça ne peut pas se terminer comme ça...
J'ai besoin de toi.
Erwan !
Ces messages lui avaient fait monter les larmes aux yeux et il avait dû faire appel à toute sa détermination pour ne pas répondre.
Lorsqu'il arriva devant la fac, il vit qu'un attroupement s'était formé. Intrigué, il s'en approcha. En le voyant, les élèves s'écartèrent.
Erwan s'immobilisa brutalement.