Chapitre 62

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Pourquoi les avait-il quittés ? Erwan savait qu'il avait peur de l'engagement, mais là, cela frôlait le fantastique. S'il n'en avait quitté que deux ou trois, il aurait compris. Mais des dizaines ? C'était surréaliste.

Il ne cessait de relire les messages de Thibault. Son ami était réellement paniqué à l'idée qu'il soit toujours avec T.

Et s'il avait eu raison depuis le début ? Et si c'était lui qui s'aveuglait ? Et si T n'était pas digne de confiance ?

Et si, et si, et si...Le conditionnel ne faisait guère avancer les choses. Pas plus que le questionnement.

Il devait attendre pour mieux comprendre. C'était la meilleure chose à faire.

-Ça me fait mal de la voir ainsi...

La voix de T le fit sursauter. Il parlait de Clara.

-Moi aussi, avoua-t-il. Je ne parviens pas à comprendre qu'on puisse s'en prendre à des personnes qui partagent notre toit...

Il n'obtint pas de réponse. Surpris, il leva les yeux vers T. Celui-ci le contemplait avec une infinie tristesse.

-Il y a quelques années, commença-t-il finalement, Clara m'a révélé quelque chose à propos de lui.

Vraiment ? Erwan le regarda, curieux.

-C'était quelque chose, continua T, qui permet non pas d'excuser son comportement, mais de l'expliquer, du moins en partie.

-Je t'écoute, dit doucement Erwan.

-Quand il était petit, il était battu par son beau-père, qui était alcoolique. Ça l'a rendu fou, si bien qu'il a été interné en asile pendant dix ans, de trente à quarante ans. D'où sa perversité. Il se venge, en quelque sorte. Il nous fait payer ce qu'il a subi.

Erwan écarquilla les yeux, sous le choc de ces révélations. Cela expliquait bien des choses, en effet.

-J'aurais...quelque chose à te demander, dit-il d'un ton prudent.

-Je t'écoute.

Erwan se mordilla la lèvre, hésitant.

-Erwan ?

Il baissa les yeux.

-Thibault m'a dit...qu'il n'y en avait eu qu'un seul avec qui ça avait duré trois jours de plus. Est-ce vrai ?

-Oui.

Il releva les yeux vers son ami.

-Il s'appelait Antoine. Et il s'est montré d'une douceur et d'une patience infinies. Il m'a appris à ne plus avoir peur.

Erwan fronça les sourcils, perplexe.

-Mais alors...pourquoi l'as-tu quitté ?

-Au bout d'un moment, la panique m'a repris. Si bien que je n'en dormais plus la nuit. Les crises d'angoisse s'abattaient sur moi. J'ai été forcé de le quitter.

Erwan demeura un long moment silencieux. Comment était-il possible d'avoir à ce point peur de l'engagement ?

-Alors...avec moi...ce sera la même chose...

-Je ne sais pas. Je ne l'espère pas. Tu dois savoir qu'avec toi, j'ai le sentiment de revivre. Ça ne m'était pas arrivé depuis des années.

Peut-être y'avait-il finalement un espoir ?

-Erwan.

Il sursauta et reporta son attention sur T.

-Cesse d'avoir peur. Cesse de croire qu'il se passera quelque chose de négatif. Prouve-moi que mes espoirs avec toi ne sont pas vains, s'il-te-plaît.

Erwan sourit et vint se blottir contre lui.

-Crois-moi, ils ne le sont pas.

Quitte-le avant qu'il ne s'en charge.

Il déglutit en repensant au message de Thibault.

Non. Personne ne quitterait personne. T était plus serein avec lui. Il le sentait.

-J'espère vraiment que Clara ira mieux, soupira-t-il.

Il sentit les bras de son ami le serrer contre lui.

-Je l'espère aussi.

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