-T !
La pluie glaciale de Novembre le faisait claquer des dents. En tongs et tee-shirt, grelottant dans la nuit et appelant une lettre au lieu d'un prénom, il devait réellement avoir l'air d'un fou.
-T !
Il ne le voyait nulle part. Il courait tant bien que mal vers la faculté, sans même savoir si T était parti de ce côté. Ni même s'il était parti. Peut-être était-il bien au chaud dans son studio. Erwan chassa cette pensée de son esprit et continua à courir.
Pourquoi lui avait-il parlé ainsi ? Et pourquoi l'avait-il laissé partir ? Pourquoi ?
Il trébucha et dut amortir sa chute à l'aide de ses mains et de ses genoux. Ces derniers étaient en sang. Haletant, Erwan se releva tant bien que mal et reprit sa course. La pluie rendait ses plaies douloureuses et il devait lutter pour ne pas faire demi-tour.
-T !
Toujours pas de réponse. A bout de souffle, ses poumons aussi douloureux que ses membres, Erwan fut contraint de ralentir. Il avait dépassé l'université et il était à présent au niveau du carrefour où se trouvaient le Kebab et le restaurant universitaire. Où son ami avait-il bien pu aller ? Avait-il pris le tramway ? Etait-il parti beaucoup plus loin ? Cette pensée le remplit de désespoir.
-Erwan !
Il sursauta, mais n'eut pas le temps de se retourner : ses bras l'avaient déjà enlacé. Il retrouvait avec plaisir son odeur et sa chaleur. Il tremblait de plus en plus, mais il sentit son ami le soulever et le porter dans ses bras comme on porte un enfant. Il s'accrocha à lui, craignant de le perdre à nouveau.
-Pardonne-moi, disait T en continuant de marcher. Je n'aurais jamais dû te laisser ainsi, je suis vraiment désolé.
-Non, c'est moi qui suis désolé, répondit doucement Erwan. Je n'aurais pas dû te parler de la sorte. Il est vrai que j'en ai assez de tout ce mystère, mais ce n'était pas une raison.
-J'accepte tes excuses.
-Moi de même...
Ils ne pouvaient se séparer. Ils sentaient en eux-mêmes qu'ils n'étaient rien l'un sans l'autre. Qu'ils étaient chacun les deux moitiés d'un cœur et qu'ils ne voulaient pas le briser.
-T ?
-Oui ?
-Peux-tu me faire une promesse ?
-Je te promets tout ce que tu voudras.
Erwan le serra plus fort.
-Promets-moi de ne pas t'en prendre à Thibault.
Il sentit T se raidir.
-S'il-te-plaît, ajouta-t-il aussitôt.
-Je te le promets, finit par soupirer son ami. C'est bien parce que c'est toi.
-Merci, souffla Erwan.
Une fois dans le studio, il sentit T le déposer délicatement sur le lit.
-Dors, Erwan. Je ne pars plus...
Et Erwan ne sut bientôt plus s'il était dans les bras de T ou dans ceux de Morphée.
Le lendemain matin, il fut réveillé en même temps que son ami par le portable de celui-ci qui sonnait en continu. Erwan vit T se lever difficilement pour aller le prendre.
-Allô ?
Silence. Erwan vit soudain le visage de son ami se durcir.
-Non. Ça ne durera jamais assez avec lui. Je te l'ai dit, il est différent des autres. Il est même différent de toi.
Erwan commençait à en avoir assez de ne pas entendre ce qui se disait de l'autre côté, même s'il pensait savoir de qui il s'agissait.
-Il me reste tout le temps que je veux, répliqua T. Je ne craquerai pas. Pas avec lui.
"Il", "lui"...Ces mots le désignaient. Il vit T raccrocher.
-Laisse-moi deviner...Loris ?
-Oui, soupira T. Je crois qu'il ne cessera jamais de nous harceler.