Par la fenêtre, Erwan contemplait l'encre céleste éclaboussée de paillettes. Dijon dormait paisiblement. Le campus était désert et seules les fenêtres allumées des résidences témoignaient d'un peu de vie. Le parc qui séparait les pavillons de l'université était presque plongé dans l'obscurité que des petites lampes posées au sol tentaient de chasser. Le chemin serpentait jusqu'à la faculté, au milieu des résidences, des arbres et des étendues d'herbe.
Pour la première fois depuis qu'il était à Dijon, le calme du campus l'apaisait. Cependant, malgré cette quiétude, il ne parvenait pas à trouver le sommeil. Les messages des ex-petits amis de T se bousculaient dans son esprit. Il les avait tous quittés. Tous sans exception. Au bout de seulement deux mois.
Il ne te reste plus que deux semaines avant que ton tour n'arrive.
Deux semaines...Deux semaines pendant lesquelles il allait vivre une angoisse perpétuelle.
Il avait l'impression d'évoluer dans un cauchemar. Parce que l'évidence était là. Loris avait raison depuis le début : s'il les avait tous quittés au bout de deux mois, pourquoi son cas serait-il différent des autres ?
La peur lui comprimait l'estomac. Il avait été stupide d'accepter de voir cette preuve. Cette preuve qui à présent le dévorait de l'intérieur. T avait beau lui affirmer le contraire, il savait que la rupture était proche. Son ami avait visiblement peur de l'engagement. Et ceux qu'il rencontrait en faisaient les frais.
Ce n'était pas possible. Ce ne pouvait pas être vrai.
Erwan tentait de se convaincre qu'il avait eu une hallucination. En vain. Il savait au plus profond de lui-même que ce qui s'était passé était réel. Il ne parvenait pas à se dire que Loris avait raison. Et pourtant...
Tu es le premier avec qui ça fonctionne.
Il était le premier. Peut-être serait-ce différent cette fois-ci. Il l'espérait, mais n'en était pas certain.
Comment être sûr de quoi que ce soit ? Il ne connaissait pas T, il ignorait même jusqu'à son prénom ! Parfois, il se demandait d'ailleurs s'il était vraiment son petit ami. Un amour à qui l'on ne dit rien est-il un véritable amour ?
Son portable vibra, le faisant sursauter.
Thibault : As-tu enfin compris le danger qu'il représente ?
Thibault. Evidemment.
Erwan : Non. Il les a quittés eux, ça ne veut pas dire qu'il me quittera moi.
Il ne devait pas montrer sa faiblesse. Surtout pas. Thibault ne devait jamais savoir à quel point ces messages l'avaient affecté.
Thibault : Mais réveille-toi, Erwan ! Il les a tous quittés ! Tous sauf un avec qui ça a duré trois jours de plus ! Nous serons le 31 Octobre vendredi prochain ! Réagis !
Erwan ferma les yeux pour chasser l'angoisse qui menaçait à nouveau de l'envahir. Que répondre à cela ?
Il t'aime, se rassura-t-il. Il t'aime vraiment.
T l'aimait trop pour le quitter. Il en était certain.
Erwan : Non. Ce que tu me dis est impossible.
Thibault : Je suis ton ami. Si je ne l'étais pas, je t'aurais laissé te bercer d'illusions. Mais je le suis et je ne veux pas qu'il te fasse souffrir. Quitte-le avant qu'il ne s'en charge.
Erwan sentit son cœur se serrer davantage en lisant ces mots. Comment aurait-il pu partir ? Même s'il l'avait voulu, il n'en aurait pas été capable. T ne l'avait jamais fait souffrir et il l'aimait démesurément. Jamais il ne l'abandonnerait.
Erwan : Je ne le ferai pas. Et lui non plus.