Allongé sur son lit, Erwan ne dormait pas. Comment aurait-il pu ? Les mots de Thibault ne cessaient de tourner dans son esprit. Son ami avait vraiment eu l'air paniqué. Et il l'était de plus en plus à mesure que le temps passait. La question était : pourquoi ? Pourquoi cette inquiétude ? Pourquoi tant de tourments pour quelque chose qui n'en valait sans doute pas la peine ?
Son souffle s'accéléra, encore et encore, jusqu'à ce qu'il ne parvienne plus à respirer. Il se mit à trembler, à claquer des dents. Il suffoquait.
Réagis.
Tu vas souffrir.
Respirer. Il devait respirer. Mais il avait beau se le répéter, il étouffait de plus en plus. D'une main tremblante, il parvint à prendre son portable sans le faire tomber et à taper son message. Un message court, de seulement trois lettres.
Erwan : SOS.
Quelques minutes plus tard, on frappait à sa porte. Il réussit, sans vraiment savoir comment, à se lever et à aller ouvrir.
Ensuite, le noir l'enveloppa.
Il fut réveillé par une sensation de fraîcheur sur sa peau. Il ouvrit les yeux. Il était allongé sur son lit. T était près de lui et lui passait sur le visage un gant imbibé d'eau. Il sourit.
-Merci, murmura-t-il.
-Que t'est-il arrivé ?lui demanda doucement T.
-Crise d'angoisse...
-Puis-je en savoir la cause ?
Erwan détourna le regard.
-Erwan ?
-Les messages de Thibault, avoua finalement le jeune homme.
-Je suis vraiment désolé. Je m'occuperai de lui. Il te laissera tranquille.
A ces mots, Erwan se redressa brusquement.
-Tu t'occuperas de lui ? Comment ça ?
-Ne t'inquiète pas.
-Réponds-moi.
Il ne parvint pas à déchiffrer le regard de T.
-Je le mettrai en garde, voilà tout. Je refuse qu'il te menace. Je refuse que quiconque te menace.
-Tu ne lui feras rien du tout, répliqua Erwan.
Cette fois-ci, il vit nettement la surprise se refléter dans les yeux de son ami.
-Il est dangereux, Erwan.
-Sache qu'il ne cesse de me dire la même chose à ton propos. Vous vous haïssez et je ne sais même pas d'où vient cette haine. J'en ai assez d'être une balle de tennis entre vos deux raquettes. Tu es mon petit ami ; il est mon meilleur ami. Ne pouvez-vous pas vous comporter en adultes et laisser votre différend de côté ?
Il vit le visage de T se fermer aussitôt.
-Non. Je regrette, c'est impossible. Il ne cesse de monter ceux que j'aime contre moi. Jamais je ne pourrai le lui pardonner.
-Eh bien, sache que j'en ai marre, rétorqua Erwan. Marre de votre haine mutuelle. Marre de ne rien comprendre. Marre de ne pas savoir qui tu es.
Un profond silence suivit ses paroles.
-Tu vas partir ?
La voix de T était presque tremblante.
-Non, répondit le jeune homme d'un ton sec. Mais j'en ai assez de ne pas comprendre ce qui se passe autour de toi.
Il se retourna contre le mur pour ne plus voir le regard suppliant de T. Le silence s'installa. Un silence lourd, chargé de malaise, de reproches et de non-dits.
Il fut rompu par les pas de T qui s'éloignaient et par la porte qui se fermait. Erwan frémit. Son ami était parti.
-T ?appela-t-il doucement, tout en sachant que c'était inutile.
Pas de réponse. Il se retourna.
-T ?
Le studio était vide. Erwan sentit la peur lui sauter à la gorge. Sans réfléchir, il se leva d'un bond, chaussa des tongs à la hâte et quitta son studio sans même prendre la peine d'enfiler une veste par-dessus son tee-shirt. Une fois dehors, le froid le saisit, mais il n'en tint pas compte et se mit à courir.