Les paroles de Thibault ne cessaient de bourdonner dans son esprit. Une part de lui-même refusait d'en croire le moindre mot ; l'autre se posait des questions. Tant et si bien qu'il ne savait plus quoi penser - une fois de plus...
Son portable vibra : il avait un message - de T.
J'ai une excellente nouvelle !
Erwan sourit.
Laquelle ?
Je reviens en cours demain.
A ces mots, Erwan sentit son cœur bondir de joie.
Alors, tu vas mieux...
Oui. La douleur s'est enfuie.
Le sourire d'Erwan s'élargit.
J'en suis heureux, vraiment. Je passerai te voir en rentrant.
J'ai hâte.
Les messages de T venaient d'éloigner ses démons.
Il releva les yeux vers le ciel inondé d'étoiles sur qui veillait le disque d'argent. Comme une mère qui veille sur ses enfants...T allait revenir. Ils allaient enfin pouvoir se revoir. Enfin.
Erwan ne comprenait toujours pas pourquoi le monde entier semblait s'être ligué contre T. Son tuteur, Loris, Thibault...Tout le monde semblait se méfier de lui, le craindre. Et tout le monde semblait savoir sur lui des choses qu'Erwan ignorait totalement. Les gens ne cessaient de le mettre en garde contre lui. Pourquoi ?
N'y fais pas attention !se dit-il.
Souvent, les gens parlent et rien de ce qu'ils disent n'est vrai. Erwan ne devait pas s'en formaliser. Son cœur était à nouveau rempli d'espoir et il ne laisserait personne le lui ôter.
Son portable bipa à nouveau. Il regarda l'écran et ouvrit le message qui venait de lui être envoyé.
Erwan,
il me semble que tu n'as pas bien compris la raison de mes appels. Je te savais têtu. J'ignorais cependant que c'était à ce point...Alors, si tu le permets, je vais tout reprendre depuis le début.
J'étais en troisième lorsque j'ai fait la connaissance de T. Je l'avais trouvé beau - comme tu l'as sans doute remarqué toi aussi. Néanmoins, je n'étais pas homosexuel et j'avais une petite amie. Il était froid, distant et il avait déjà sur le visage les marques que tu as vues - et qui, comme moi, t'ont intrigué.
Pourtant, un jour, il est venu me parler. Juste quelques phrases au début, puis de plus en plus. A mesure que le temps passait, nous sommes devenus amis...jusqu'à ce qu'il m'annonce qu'il aimait les garçons. J'ai aussitôt reculé en lui expliquant clairement ma situation. Il a été surpris, déçu, mais il a compris.
Son anonymat, ses cicatrices...Je ne cessais de me poser des questions à son sujet. Je voulais savoir ce qui lui était arrivé, comprendre qui il était réellement. Comme tous ceux qui le côtoyaient. Comme toi, à présent qu'il t'a accepté.
Plus le temps passait, plus nous nous rapprochions. Il me disait qu'il tenait à moi, il me faisait des promesses d'avenir et de bonheur. Nous sommes sortis ensemble et tout allait bien. Mais au bout de deux mois, tout a basculé brusquement. Il m'a dit que tout ceci n'était qu'une erreur, que c'était terminé et que nous ne devions plus jamais nous revoir.
Je n'ai pas été le seul. D'autres ont connu la même situation que moi. Et personne n'a jamais compris la raison qui l'a poussé à agir de cette manière.
Je ne m'en suis jamais remis. Je ne m'en remettrai sans doute jamais. Mais j'espère que tu comprends mieux la haine que je te porte. C'est une mise en garde, Erwan. Je ne le répèterai pas.
Je t'ai prévenu. J'ai fait mon devoir. A présent, tu es libre de prendre ou non en considération les remarques que je viens de te faire.
Loris.