Mardi 11 Novembre. Armistice. Les étudiants n'avaient pas cours. T était resté avec Erwan, pour le plus grand plaisir de ce dernier. Il n'avait pas osé lui reparler de l'altercation, mais il la sentait flotter comme une ombre entre eux.
-Erwan ?
-Oui ?
-Je suis vraiment désolé...pour jeudi dernier.
Erwan lui sourit.
-Ne t'inquiète pas, le rassura-t-il. Considère que c'est du passé.
-En es-tu sûr ?lui demanda T, visiblement inquiet.
-Oui. Cesse de ruminer ce qui s'est produit. Ça ne changera rien.
Il y eut un silence.
-Pourquoi a-t-il dit cela ?demanda tout de même Erwan. Pourquoi a-t-il parlé d'un masque ?
-Je croyais que tu ne voulais plus en parler, lui répondit T en souriant.
Erwan baissa les yeux.
-Tu as raison. Excuse-moi.
Le silence retomba. Un silence désagréable, inconfortable. Un silence qui reflétait le malaise et le non-dit.
Montre-lui qui tu es.
Erwan avait du mal à l'admettre, mais Loris avait raison. Qui était réellement T ? Personne ne le savait, personne ne le saurait sans doute jamais. Un parfait inconnu, voilà ce qu'il était. Et peut-être le resterait-il à jamais.
-Erwan ?
-Oui ?
Il n'avait pas vu T se rapprocher de lui.
-Dis-moi à quoi tu penses.
Il pensait à tout ce que lui disait Thibault sur son petit ami. Il pensait aux menaces de Loris. Il pensait à l'obscurité qui se resserrait sur lui.
Plus on avance dans une relation, plus on en apprend sur l'autre et plus on le connaît. Or, Erwan avait l'impression de faire du surplace, voire de reculer.
-A rien, lâcha-t-il.
Voilà qu'il lui cachait quelque chose à son tour. Mais où allait donc leur relation ?
Loris avait été envoyé à l'hôpital et évidemment, toute la classe de Lettres Modernes était au courant de ce qui s'était passé.
Un nouveau message. D'un numéro qu'il ne connaissait pas.
Fuis, Erwan ! Eloigne-toi de lui MAINTENANT !
Erwan fronça les sourcils. Qui était-ce ? Il n'eut pas le temps de se poser la question plus longtemps : un deuxième message d'un numéro tout aussi inconnu venait d'arriver.
Tu as vu ce qui s'est passé avec Loris. Et avec tous ses exs. Quitte-le.
Troisième message.
Bientôt, il sera trop tard. Il est MAUVAIS, Erwan. Et tu ne sais rien de lui. Devance-le. Il les a tous fait souffrir, tu vas connaître le même destin qu'eux !
Les autres étaient similaires. Alors, Erwan craqua et leur envoya à tous le même message.
Erwan : Mais POURQUOI ?
La réponse le fit se figer. Non. Non, c'était impossible. Ils ne pouvaient pas lui avoir répondu ça après tout ce qui venait de se passer !
Les messages lui donnaient mal à la tête. Et le dernier accentua la douleur.
-Erwan ? Es-tu sûr que tout va bien ?
Erwan sursauta : pris dans sa lecture des messages, il avait complètement oublié la présence de T.
-Oui. Oui, ça va. Je suis seulement...fatigué.
Il sentit les bras de son ami l'enlacer.
-Alors, repose-toi.
Il sourit et se laissa aller contre T. Mais son esprit continuait de tourner. Inlassablement.
Comment avaient-ils osé lui répondre une telle phrase ? N'avaient-ils pas conscience de ce qui se produisait presque jour et nuit ? Ne savaient-ils donc pas que celui qu'ils avaient nommé dans leurs messages était la dernière personne à qui Erwan voulait s'adresser ?
Apparemment, non. Puisque la phrase de trois mots s'étalait noir sur blanc dans tous les messages.
Demande à Loris.