Lorsqu'Erwan se réveilla ce matin-là, T n'était plus à côté de lui. Il se retourna brusquement, mais se détendit en le voyant assis à la table.
-Je croyais que tu me faisais confiance, Erwan.
Le ton était calme, mais Erwan sentit la tempête arriver. Il le regarda, perplexe.
-Bien sûr que je te fais confiance, T.
-Alors pourquoi communiques-tu avec Loris dans mon dos ?
A ces mots, Erwan se raidit.
-Tu as lu mes messages ?
-Je n'ai pas fait exprès. Ton portable ne cessait de vibrer et j'ai ouvert son message par mégarde.
-Par mégarde, mais bien sûr, répliqua Erwan. C'est ce que disent tous les personnages de roman quand ils lisent les messages de ceux qu'ils aiment. Ou qu'ils croient aimer...
-Erwan...
-Combien en as-tu lu ?
Il vit T baisser les yeux.
-Un seul. Le dernier qui est arrivé, celui de Loris. Je te promets que je n'ai lu que celui-là.
En le voyant si paniqué et honteux, Erwan sentit sa colère fondre. Il s'approcha doucement de lui et le prit dans ses bras.
-Pardonne-moi. Je déteste me disputer avec toi.
Il sentit T le serrer contre lui, le plus fort qu'il put, comme s'il avait peur de le perdre.
-Moi aussi. Je n'aurais pas dû regarder ce message, je suis vraiment désolé.
Le baiser qu'ils échangèrent scella leur pardon.
Après le déjeuner, Erwan prit son portable et regarda le message de Loris. Il comprit aussitôt l'inquiétude de son ami. T ne voulait pas qu'il sache quoi que ce soit à son propos et ce secret lui tenait visiblement à cœur. De toute manière, il doutait que Loris lui révèle quoi que ce soit un jour. Les gens avaient peur de T. Erwan l'avait bien vu. Ils avaient peur de ce qu'il pouvait leur faire. Si quelqu'un avait voulu parler, il l'aurait fait depuis longtemps.
Vendredi 14 Novembre. Ils avaient cours à dix heures. Lorsqu'ils se mirent en route, Erwan sentit T se tendre de plus en plus. Comme s'il allait se produire quelque chose de grave...Le jeune homme savait pourtant qu'il n'en serait rien. Loris n'avait pas dit aujourd'hui, il avait dit bientôt. Il y avait une nette différence entre ces deux adverbes.
En arrivant à la faculté, Erwan sentit le bras de T l'enlacer. Un geste à la fois de douceur, de sécurité et de possession. Il voulait visiblement se rassurer lui-même tout en affirmant aux autres qu'Erwan lui appartenait. La tension du jeune homme ne fit que croître.
Calme-toi !
Rien ne serait révélé aujourd'hui. Ce serait une journée normale, ordinaire. Une journée comme les autres.
Oui. Alors pourquoi son estomac se tordait-il ? Pourquoi était-il angoissé à ce point ?
Comme d'habitude, les étudiants les fixaient. A une différence près, cependant : ils les fixaient dans le silence le plus total. Un silence de plomb, qui ne faisait qu'accentuer l'angoisse d'Erwan. Que se passait-il ? Pourquoi les regardaient-ils de cette manière ?
Plus ils avançaient, plus Erwan sentait son estomac se nouer. Ce silence était insupportable. Presque plus que les moqueries.
Les élèves s'écartaient sur leur passage, toujours sans un mot. Et Erwan avait de plus en plus l'impression qu'ils savaient tous ce qui allait se produire. Il croisa le regard de Thibault. Un regard triste et désolé. Ils n'échangèrent pas une seule phrase.
Les étudiants continuaient de s'écarter pour les laisser passer, formant une allée devant eux. Une allée qui aurait pu être celle d'un roi. Mais Erwan avait plutôt l'impression que c'était celle d'un condamné.
Au bout de l'allée se tenait celui qu'il avait redouté de voir. Loris. Qui les fixait avec un sourire malveillant.
-Eh bien, je ne pensais pas que tu enfreindrais ta propre règle...